« Il faut maintenant en finir avec ce satané débat sur la fiscalité qui pourrait demain devenir notre boulet. On ne solde pas un débat en l’éludant. Encore moins en l’embrouillant. Faisons-nous d’abord comprendre par les Français. Ce qu’il y a de pire, c’est le sentiment de zigzag que nous donnons en cette rentrée et qui accrédite la thèse du matraquage fiscal énoncée par la droite. » De qui cet implacable constat ? De Claude Bartolone, le président PS de l’Assemblée nationale, devant les parlementaires socialistes, le premier ministre et la moitié des membres du gouvernement, réunis à Bordeaux, à la veille de la présentation, mercredi 25 septembre, du projet de loi de finances pour 2014.
La mise en garde vaut d’être entendue, tant il est vrai que le message du gouvernement passe mal la rampe. La « pause fiscale », c’est maintenant, avait décrété François Hollande. Tous les indices concordent : les Français n’y croient pas. Tant les particuliers que les entreprises. La parole du gouvernement souffre aujourd’hui d’un grave déficit de crédibilité. Pourquoi adhéreraient-ils plus au « cap sur la croissance et l’emploi » que ce projet de budget est censé impulser ?
Le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, a lui-même ouvert les vannes en se faisant, en plein mois d’août, l’écho du « ras-le-bol fiscal ». Depuis l’exécutif se débat pour essayer de desserrer les mâchoires du piège dans lequel il s’est enferré.
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Pour défendre son projet de budget, le gouvernement met en exergue que, à l’inverse de celui de l’an passé, l’effort de redressement reposera à 80 % sur des économies réalisées sur les dépenses. « Un effort budgétaire historique », insistent M. Moscovici et le ministre délégué chargé du budget, Bernard Cazeneuve. Au total, l’effort de redressement des comptes publics en 2014 porte sur 18 milliards d’euros : 15 milliards en économies de dépenses et 3 milliards en hausse des recettes fiscales, dont 2 milliards seront apportés par le produit de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales.
Le gouvernement, qui table sur une croissance de 0,1 % en 2013 – « alors que tout le monde prédisait que la France serait en récession », souligne M. Moscovici –, a établi son projet de budget sur une prévision de croissance de 0,9 point du produit intérieur brut (PIB) en 2014. Le Haut Conseil des finances publiques, auquel pour la première fois ont été soumises les prévisions macroéconomiques du gouvernement, juge ce scénario « plausible ». Même s’il relève des éléments de fragilité, « notamment sur le scénario d’emploi ». En clair, il juge quelque peu optimistes les prévisions d’emploi du gouvernement qui, lui, escompte que les politiques de l’emploi mises en oeuvre vont produire leur plein effet.
« LA DONNE A CHANGÉ »
Le déficit public, qui s’établira à 4,1 % de PIB en 2013, devrait l’an prochain être ramené à 3,6 % pour passer en deçà des 3 % en 2015. Pourtant, le solde du budget général, qui avait été fixé à – 62,3 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2013, sera à la fin de l’année de l’ordre de – 72 milliards d’euros. En 2014, le gouvernement prévoit un solde négatif de 70,2 milliards d’euros hors programme d’investissement d’avenir, 82,2 milliards en les incluant. La dette publique, quant à elle, qui atteindra 93,4 % du PIB fin 2013, devrait encore croître à 95,1 % fin 2014.
Comment expliquer que, malgré la sévère purge appliquée en 2013, le déficit n’ait pas été maintenu dans les clous fixés en loi de finances initiale ? « La donne a changé », insiste M. Moscovici. La France a bénéficié d’une bouffée d’oxygène à la suite de la décision de la Commission européenne de lui accorder un délai supplémentaire pour ramener son déficit au-dessous de 3 %. « La preuve qu’elle a reconnu les réformes structurelles que nous avons mises en oeuvre », souligne le ministre.
Le gouvernement veut profiter de ce répit pour stimuler la croissance, notamment en faisant monter en puissance le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, voté en loi de finances rectificative pour 2012. Les sociétés pourront imputer sur leur impôt sur les sociétés au titre de 2013 une créance fiscale qui s’élèvera à 10 milliards d’euros. A partir du 1er janvier 2014, elles bénéficieront d’une baisse de 6 % du coût du travail. En outre, elles se verront compenser la hausse de 0,15 % de leurs cotisations de retraite.
Pourtant, les entreprises, auxquelles le gouvernement avait promis une stabilisation de leurs prélèvements, se sentent grugées. Elles montent au créneau contre la création d’une nouvelle contribution sur l’excédent brut d’exploitation qui rapportera à l’Etat 2,5 milliards d’euros. « Une hérésie fiscale », clament-elles sur tous les tons. Le gouvernement, qui avait dû affronter l’an passé le mouvement des « pigeons », pourrait là subir une nouvelle épreuve.
Lire l’entretien Pierre Moscovici : « Ne parlons pas que des impôts ! »
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Source : Gros plan – Google Actualités