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Sarkozy, retour sans le futur – Libération

Plus de doute, Nicolas Sarkozy a perdu son pari. Le pari d’un retour en chef de parti qui ferait de lui, mécaniquement, l’incontestable champion de la droite pour la présidentielle de 2017. A en croire ses supporteurs, c’était écrit. La règle ne souffrait aucune exception : celui qui contrôle l’appareil partisan l’emporte nécessairement sur tous ses concurrents.

Voilà qui est loin de se vérifier. Un an après son élection, le leadership de Sarkozy n’a jamais paru aussi fragile. Il est vrai que le triomphe du FN au premier tour des régionales a sérieusement entamé la crédibilité de celui qui prétendait «devoir» revenir au motif qu’il était le seul à pouvoir faire reculer le parti d’extrême droite. Depuis le 13 Novembre, il est accablé de sondages qui confirment que les trois quarts des Français ne veulent plus le voir à l’Elysée et qu’Alain Juppé ferait un bien meilleur candidat. Dans l’enquête Elabe – les Echos diffusée jeudi, Nicolas Sarkozy décroche de 15 points auprès de l’électorat de droite.

L’hypothèse de l’abandon

Les temps ont vraiment changé. L’an dernier, la question récurrente était : «Juppé tiendra-t-il la distance ?» Aujourd’hui, ce serait plutôt : «Sarkozy ira-t-il jusqu’au bout ?» Certains vont même jusqu’à spéculer sur son attitude en cas de retrait. Saura-t-il sortir par le haut avec panache, en se félicitant d’avoir été le pacificateur désintéressé de sa famille ? Ou voudra-t-il se venger en poussant Bruno Le Maire pour punir Alain Juppé et François Fillon d’avoir pourri son retour ? Impensable début 2015, l’hypothèse d’une non-candidature est désormais spontanément évoquée par quelques responsables de la droite. Même les dirigeants du PS commencent à envisager sérieusement l’élimination de celui qui reste l’adversaire rêvé de François Hollande. «Si Juppé conserve une telle avance, Sarkozy va devoir renoncer car il ne peut pas prendre le risque de perdre», constate l’un d’eux, avec regrets.

Le chef dégradé

La plupart des élus LR sollicités par Libération racontent la même histoire. Dans leurs circonscriptions, ils sont frappés par le rejet de l’ancien chef de l’Etat jusque dans leur propre électorat. «Nos bourgeois n’en veulent plus !» constate le maire d’une commune cossue de la banlieue ouest de Paris. En marge d’une réunion de médecins libéraux, un de ses collègues confie avoir été frappé par l’antisarkozysme de l’assemblée. Un troisième résume l’état d’esprit général : «Quand deux députés LR se croisent, que se disent-ils ? « Sarko, moi je veux bien, mais comment faire ? » Chez moi, plus personne ne veut voter pour lui.» Les élus ont été impressionnés par les manifestations les plus brutales de cette désaffection entre les deux tours des régionales, quand les candidats de droite demandaient à être dispensés de l’encombrant soutien de Nicolas Sarkozy. Dans les Hauts-de-Seine, fief historique de l’ex-maire de Neuilly, le nom de l’ancien président n’a même pas été prononcé par la quinzaine d’orateurs qui se sont succédé à la tribune du dernier meeting de Valérie Pécresse… A droite, beaucoup n’ont pas compris comment le chef avait pu filer au Parc des princes pour un match de foot sans attendre les résultats des régionales. Ils y voient le symptôme d’une démobilisation. Un Sarkozy conquérant aurait tenu à être le premier à féliciter les vainqueurs et à consoler les perdants.

La Sarkozie saisie par le doute

Certes, les proches de l’ancien chef de l’Etat affichent toujours une confiance à toute épreuve. Sarkozy est par définition le meilleur et ils ne doutent pas que cela finira, tôt ou tard, par se voir. Mais le temps presse. Dans dix mois, les électeurs de la droite et du centre seront invités à désigner le vainqueur de la primaire. Les principaux protagonistes, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire, sont déjà en campagne dans leurs QG flambant neufs, avec des comités de soutien bien garnis et d’importants moyens financiers récoltés auprès de donateurs. Sarkozy, lui, a prévu de ne se lancer officiellement qu’en septembre. Ne sera-t-il pas déjà trop tard ? C’est ce que craignent certains sarkozystes authentiques comme Roger Karoutchi ou Eric Ciotti, ex-filloniste animé en cette rentrée par le zèle des convertis. Ils militent pour que leur champion se déclare sans tarder. Quitte à se mettre en congé de la direction du parti. Selon l’un de ses anciens ministres, le chef de LR doit «arrêter de se poser en champion de l’unité de la famille. Aujourd’hui, les partis sont totalement discrédités. Tout le monde s’en fiche. Pendant ce temps-là, les autres avancent». Pour ce sarkozyste désemparé, le chef de LR doit comprendre la vraie nature d’une primaire mobilisant plus de 3 millions d’électeurs. «Il a trop longtemps considéré qu’il était imbattable. Pour lui, la primaire n’était qu’une sorte de consultation des 250 000 militants de LR qui feraient voter leur famille et leurs amis.» Tout indique qu’il n’en sera rien.

LR, une marque qui rétrécit

Avec Les Républicains, ce parti «refondé» qui devait transcender les vieux clivages partisans, il espérait avoir dégainé, début 2015, l’arme antiprimaire. Tandis que ses concurrents s’agiteraient à la tête de leur petite chapelle, il allait, lui Sarkozy, prendre la présidence d’un immense rassemblement porté par la «démocratie participative». C’est chez Les Républicains et nulle part ailleurs que «l’alternance» se mettrait en marche. Avec Nathalie Kosciusko-Morizet en numéro 2 et Laurent Wauquiez en numéro 3, il réconciliait la droite Carla (Bruni) et la droite (Patrick) Buisson. Il devait réunir 300 000 adhérents fin 2015 et près de 500 000 fin 2016.

Il ne reste pas grand-chose de cette grande ambition. Loin d’être l’incubateur de l’alternance, LR se rétrécit autour de son chef. Samedi, Sarkozy pendra la parole devant quelques centaines de nouveaux adhérents. Il tentera, une fois de plus, de défendre la crédibilité du parti comme lieu de partage et d’unité de la famille politique. Dans le message vidéo posté le soir de Noël, on le découvre, sur fond de crèche et de sapin scintillant, se souhaitant à lui-même «beaucoup d’autorité pour essayer de mettre tout le monde dans la même direction». C’est assez mal parti. Les quatre nouveaux porte-parole de LR (Guillaume Larrivé, Guillaume Peltier, Valérie Debord et Brigitte Kuster) sont des sarkozystes pur sucre. Les plus prometteurs quadragénaires de la droite ont refusé de participer à la nouvelle direction qui sera installée la semaine prochaine. Sollicitée pour remplacer NKM, la première adjointe de Juppé à la mairie de Bordeaux, Virginie Calmels, a refusé. Quant au vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie Gérald Darmanin, ancien porte-parole souvent présenté par Sarkozy comme l’un des plus brillants de sa génération, il quitte la direction de LR. «Je n’ai pas senti d’envie de Sarkozy pendant la campagne. Les gens en ont marre de la politique comme avant. Il faut qu’il change d’entourage et de méthode», a-t-il confié jeudi à la Voix du Nord. Selon un cadre de LR, le parti est si peu attractif qu’il peine à trouver des candidats pour le renouvellement de ses instances internes.

Le parti asphyxié par la primaire

Si le parti n’a pas pris son envol, c’est que la primaire lui a coupé les ailes. Une étrange compétition qui ne disait pas son nom s’était engagée à l’été 2014 : Alain Juppé, candidat à la primaire mais pas à la tête du parti, contre Sarkozy, candidat à la présidence du parti pour tuer le match de la primaire.

En s’appuyant sur son chef de projet, le fidèle Eric Woerth, Sarkozy aura tout tenté pour que les débats de fond se nouent rue de Vaugirard, au siège du parti. Depuis la première convention sur l’islam, au début de l’année dernière, il multiplie les réunions thématiques. Pour asseoir la légitimité des propositions du parti, il les soumet aux militants via Internet. Elles sont évidemment toutes approuvées, à 97 % minimum. Mais même les commentateurs les plus bienveillants ont du mal à s’intéresser à ces conventions. Chacun a compris que le débat tournera autour des candidats à la primaire et de leurs projets. Sarkozy tentera le mois prochain, une fois de plus, de faire exister ses «Républicains» en réunissant un conseil national (le parlement du parti) qui devrait se conclure par «l’adoption d’un projet politique extrêmement fort». On voit mal pourquoi les candidats à la primaire accepteraient de jouer en 2016 le jeu auquel ils ont refusé de participer l’an dernier.

Pourquoi ils Y croient encore

Pour Brice Hortefeux, l’immuable ami de quarante ans, Sarkozy ne doit surtout pas écouter ceux qui lui conseillent de lâcher le parti. Au-dessus de la mêlée, il doit rester celui qui défend l’intérêt collectif, tandis que d’autres «s’occupent de leur nombril». C’est aussi l’avis de l’un des principaux conseillers de l’ancien chef de l’Etat : «Il ne doit surtout pas avancer sa candidature. On dira qu’il panique !» Loin de craindre la primaire, Sarkozy devrait selon lui, en revendiquer la paternité et même prétendre qu’il l’aura rendue possible en désamorçant les tensions au sommet de la droite.

Selon l’un de ses proches, Nicolas Sarkozy ne pourra éviter de faire lui-même le bilan critique de son quinquennat avant de se lancer comme un homme neuf. Pour se rassurer, les sarkozystes se racontent en boucle l’histoire de Jacques Chirac qui démontre que tout est possible : que le facho-Chirac des années 80 a pu se transformer en quasi-gauchiste des années 90. Et que le sinistré des sondages du début de 1994 a fini victorieux d’Edouard Balladur en 1995.

Alain Auffray

Source Article from http://www.liberation.fr/france/2016/01/07/sarkozy-retour-sans-le-futur_1424984
Source : Gros plan – Google Actualités

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