Souvenez-vous : c’était le 31 décembre dernier, François Hollande décrétait « l’état d’urgence économique et social ». Avec 3,59 millions de chômeurs en métropole fin 2015 et une courbe du chômage toujours en progression, il n’y avait personne pour le critiquer, sauf à crier son soulagement. Quelques semaines plus tard, le président désignait la ministre du Travail Myriam El Khomri chef de guerre, au nez et à la barbe d’Emmanuel Macron, invité à enterrer son second projet de loi. À la nouvelle ministre, donc, de concocter les mesures qui permettraient de soutenir le marché du travail.
La déclaration formelle de guerre au chômage était attendue le 9 mars, mais c’était compter sans une fuite du projet dans la presse le 17 février. Et son nouveau psychodrame socialiste. La majorité s’offre en effet depuis quelques jours un voyage dans les méandres de la politique politicienne.
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Mystérieuse fuite
Qui est à l’origine de la fuite ? S’il n’est pas rare qu’un projet de loi paraisse dans la presse avant sa présentation en conseil des ministres, il est exceptionnel que le préprojet transmis au Conseil d’État filtre. Le ministère avait adressé le texte à cette instance, mais aussi, et pour information, au Parti socialiste. De là à dire que Solférino est à la manœuvre… Une certitude cependant, le chef de file du PS, Jean-Christophe Cambadélis, n’a pas pris de gants pour descendre la réforme dans la foulée de sa « révélation ». Qu’importe qu’au même moment, l’OCDE ait révisé les prévisions de croissance de la France à la baisse…
Sous la menace de ce torpillage socialiste, le gouvernement a déjà établi quelques éléments de langage. Il explique ainsi à qui veut l’entendre que ce projet s’inscrit dans la « continuité des lois portées par Michel Sapin et François Rebsamen », et non pas dans celle de la « loi pour la croissance ». Référence est faite à deux textes soutenus par des hommes jamais soupçonnés de ne pas être de gauche. À la différence de l’instigateur de la « loi pour la croissance », la fameuse « loi Macron »…
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Communication politique
Myriam El Khomri a dû elle-même monter au front, dans Les Échos, pour expliquer que son projet est bel et bien de gauche. Mais là encore, personne n’a retenu grand-chose du fond de l’affaire. Car un point de son intervention a suscité la polémique : « Avec le Premier ministre, nous voulons convaincre les parlementaires de l’ambition de ce projet de loi. Mais nous prendrons nos responsabilités », a-t-elle déclaré. Sous-entendu, le gouvernement est disposé à utiliser le 49.3 pour faire passer la loi sans vote.
Le sommet de l’État s’est irrité. Pourtant, comme pour chaque entretien accordé à la presse par un ministre, le contenu a été relu et validé à Matignon et à l’Élysée. Sans coordination, semble-t-il… Et concernant le texte de loi ?
Difficulté d’interprétation
Il est difficile d’imaginer que de nombreux socialistes, voire des Républicains, amateurs de plateaux télé et radio, aient pris – ou aient eu – le temps de lire les 131 pages A4 du projet, les 20 pages de l’exposé des motifs… Et qu’ils sachent analyser immédiatement l’impact sur le quotidien des salariés et des entreprises de ces nouvelles règles sur le temps de travail, le licenciement économique, ou encore la déconnexion numérique.
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Preuve de la difficulté d’interprétation du texte, la plupart des organisations syndicales, aussi bien salariales que patronales, qui ont en leur sein de fins spécialistes du sujet, n’ont pas publié de dossiers de presse, contrairement à leurs habitudes. Dans les émissions où ils étaient invités, leurs chefs de file se sont contentés du service minimum.
Zéro évaluation
Pour calmer les troupes, François Hollande a promis vendredi, sur France Inter, que « les salariés français ne verront aucun de leurs droits remis en cause » par la réforme du droit du travail. « Ce n’est pas l’État qui crée les emplois. Je crée les conditions nécessaires pour que les entreprises puissent le faire », a souligné le chef de l’État, en déplacement à Bruxelles, où les instances européennes attendent depuis des mois des gages français sur une réforme du marché du travail.
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Quant à savoir si ce texte répond à l’objectif présidentiel, et donc s’il va remettre des millions de chômeurs sur le chemin de l’emploi, il faudra attendre, car, en France, les projets de loi ne s’accompagnent jamais d’études d’impact…
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Source : Gros plan – Google Actualités