Pièce rapportée du FN, élu à la mairie de Béziers avec le soutien du parti d’extrême droite auquel il n’appartient pas, Robert Ménard ne cesse de compliquer la démarche de Marine Le Pen, multipliant les provocations au moment précis où l’opération banalisation connaît, apparemment, tant de succès. Sur l’échiquier de l’extrême droite, l’ex président de Reporters Sans Frontières occupe aujourd’hui la case la plus radicale, la plus démagogue, la plus provocante. La présidente du Front National ne s’y attendait certes pas et cela ne facile pas sa stratégie de l’apaisement à toute force.
Après avoir déliré, publicité à l’appui, sur l’armement de la police municipale biterroise, Ménard est passé ce week-end à la vitesse supérieure en réhabilitant l’Algérie française – dont son père, ce n’est pas sans importance, fut un fervent partisan. Il a donc rebaptisé la rue du 19 mars 1962 (date anniversaire des accords d’Evian mettant un terme à la guerre d’Algérie) en une rue du Commandant Hélie Denoix de Saint Marc, l’un des acteurs du putsch des généraux à Alger en avril 1961. Putsch contre la République. Putsch visant à abattre de Gaulle le félon, le traître à l’Algérie française. « Je ne veux plus que nous soyons dans la repentance, a déclaré Ménard, qui se prend désormais fort au sérieux. Je veux dire notre vérité ». Celle de ceux qui ont trahi la République et voulu l’abattre. Pour l’instant, Marine Le Pen s’est abstenue de tout commentaire. Que dire en effet sans prendre le risque de diviser l’électorat FN ?
Un cas à part chez les putschistes
Robert Ménard ne manque pourtant pas d’habileté historique. Car parmi les putschistes, Hélie Denoix de Saint Marc est un cas à part. Héroïque résistant anti nazi, il n’a jamais eu rien de commun avec l’extrême droite si ce n’est cette conviction que l’Algérie devait à tout prix rester française. Saint Marc, qui défendait une véritable éthique militaire, ne versa par exemple jamais dans les crimes de l’OAS. Condamné à dix ans de prison, De Gaulle le gracia après cinq années d’incarcération, et il fut réhabilité dès 1978 avant que Nicolas Sarkozy, en 2011, le gratifie de la Grand Croix de la Légion d’Honneur. Incroyable parcours que celui de ce personnage flamboyant, preuve éclatante des multiples contradictions et guerres civiles françaises. Hélie Denoix de Saint Marc ne méritait pas d’être récupéré par un personnage de l’acabit de Ménard, cet allumeur de la société française contraignant Manuel Valls à une nouvelle et énième intervention : « La nostalgie de l’Algérie française n’apporte rien de bon. Aujourd’hui, on a besoin de regarder l’avenir avec de l’optimisme ».
Un dispositif ébranlé avant les départementales
Robert Ménard, cela va de soi, n’a pas agi au hasard. Son objectif est aussi clair que pernicieux : défier la communauté algérienne de France, tenter de provoquer de nouvelles tensions, séparer les Français musulmans du reste de la nation. Une attitude ségrégationniste, crypto-raciste, qui prend le contrepied de la démarche officielle du Front National. Plus Marine Le Pen multiplie les efforts pour se « recentrer », plus son « allié » Ménard dérive à la droite de l’extrême droite. À quelques jours des élections départementales, il déstabilise le dispositif politique de la présidente du FN.
Marine Le Pen est en effet persuadée qu’elle dispose devant elle d’un boulevard politique tant la droite républicaine s’enfonce dans la … nullité. Elle ne s’en prive pas d’en faire chaque jour la remarque aux électeurs … UMP : « La vérité, c’est que la droite se porte très mal. Il n’y a plus de direction, plus de vision, plus d’imagination, ni de volonté. Mais que des batailles d’egos et un Nicolas Sarkozy qui a perdu la gagne, qui n’est plus que l’ombre de lui-même ». Le comble ? Son analyse est juste et l’apaisement qu’elle impose en apparence au FN ne peut que satisfaire des électeurs de droite déboussolés. Et Ménard, la nouvelle petite frappe de l’extrême droite, de lui compliquer la tâche. Tant mieux, penseront les plus cyniques…
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Source : Gros plan – Google Actualités