Fifa, League of Legends, HearthStone, Call of Duty etc. Pour beaucoup, ces jeux vidéos ne sont qu’un passe-temps. Pour d’autres, c’est un vrai gagne-pain et même, un juteux business. On parle alors de eSport, ou sport électronique, c’est-à-dire la pratique d’un jeu vidéo, seul ou à plusieurs, dans le cadre d’une compétition.
Si les tournois sont presque aussi vieux que les jeux vidéos, ils connaissent un vrai boom ces dernières années. « 2011 a marqué un tournant pour le eSport », explique Matthieu Dallon, créateur de l’Electronic Sports World Cup. « La diffusion en direct des tournois sur Internet est devenue possible grâce au streaming, avec la plateforme Twitch. Avant les compétitions étaient plus confidentielles », rappelle-t-il. Désormais, promoteurs indépendants et éditeurs de jeux vidéos organisent des tournois aux allures de gros shows, retransmis sur toute la planète.
Des millions de spectateurs sur Internet
Cette diffusion à grande échelle a permis de faire exploser les audiences. Par exemple, début novembre, la finale de League of Legends, le jeu le plus populaire de la planète, a réunit 17.000 personnes à Berlin et pas moins de 36 millions devant leur écran, partout dans le monde. En France en mai dernier, la finale de Call of Duty a rassemblé 4.500 amateurs au Zénith de Paris et 3 millions l’ont regardé sur Internet. Soit plus que le dernier match PSG-OM en octobre dernier, avec ses 2,1 millions de spectateurs.
Vidéo de la cérémonie d’ouverture pour la finale mondiale de League of Legends, à Berlin à l’automne dernier.
« Les audiences du eSport doublent quasiment chaque année. Y’a aucun équivalent, c’est stratosphérique ! », lance enthousiaste Sasha Brodowski, cofondateur de l’agence Bang Bang Management, qui gère les droits d’une quinzaine de joueurs.
Selon une étude du cabinet Deloitte, 150 millions de personnes dans le monde devraient suivre les tournois de sport électronique en 2016. Les perspectives du secteur donnent le tournis.Le eSport devrait générer 500 millions de dollars en 2016 au niveau mondial, soit 25 % de plus qu’en 2015.
Professionalisation du secteur
En parallèle de ce boom des audiences, on assiste à une professionnalisation du secteur : organisateurs d’évènements, commentateurs, agents… et bien sûr des joueurs. En France, ils ne sont encore qu’une poignée à vivre de leur passion, « une trentaine », selon Rémy Chanson, directeur e-sport chez Webedia. De plus en plus présent dans le jeu vidéo, le groupe de médias a racheté l’an dernier Millenium, la plus grosse équipe eSport de France, qu’il héberge depuis l’automne dans son nouvel espace dédié baptisé « eSport Arena » à Levallois-Perret (92).
Dans un club ou en indépendant, ces joueurs pros ont plusieurs sources de revenus : contrats de sponsoring, prize money – s’ils gagnent des compétitions – et revenus publicitaires tirés de leurs vidéos mises en ligne sur Internet. Car nombre de joueurs ont une chaîne sur Youtube et/ou sur la plateforme de streaming Twitch, où ils se filment en direct pendant leur entraînement.
Des joueurs payés entre 1.000 et 10.000 € par mois
« On a compris qu’on pouvait monétiser nous-mêmes les contenus qu’on créait », résume Torlk, alias Jérémie Amzallag, joueur professionnel sur le jeu de cartes HearthStone, 115.000 abonnés au compteur de sa chaîne Youtube. Au final, le salaire des joueurs oscille entre 1.000 et 10.000 € par mois, selon Antoine Gourlay, responsable marketing eSport de Webedia.
Problème pour ces cyber-athlètes : ils n’ont pas de statut officiel. « Aujourd’hui, beaucoup de joueurs sont en auto-entrepreneurs, déplore Romain Tixier, directeur du eSport club chez Melty. C’est précaire pour eux, mais aussi pour nous, les équipes. Car si par exemple une équipe américaine vient le débaucher chez nous, on peut perdre notre équipe ».
Car, bien évidemment, avoir une équipe au top niveau est primordial pour rester dans la course effrénée des compétitions, où des millions d’euros sont en jeu. L’année 2015 a connu un record avec une finale du jeu Dota 2 où les gagnants se sont partagés 18 millions de dollars de gains. Particularité : ce prize money a été financé en partie par les fans du jeu, qui pouvait acheter des objets virtuels en amont de la finale. Preuve de l’implication réelle de la communauté d’amateurs de eSport.
Les annonceurs en redemandent
Ces derniers suscitent l’intérêt des gros annonceurs. « Ce sont des audiences qui regardent moins la télévision, des cibles plus difficiles à toucher pour eux, analyse Matthieu Dallon. Via les compétitions de eSport, ils peuvent les atteindre ». Désormais, les logos Coca-Cola, KFC, Orange ou SFR font partie du paysage des compétitions. Ces sponsors sont d’ailleurs les principaux financeurs des tournois.
« Le modèle économique des promoteurs de compétitions, c’est celui du sport business : 40 à 50% des recettes viennent du sponsoring, 30% de la vente des tickets et 20% des droits de retransmission », détaille Matthieu Dallon. D’autres grands groupes se placent sur le marché du eSport, comme Amazon qui a racheté la plateforme Twitch en 2014, pour un peu moins d’un milliard de dollars.
Une nouvelle émission dédiée à la télé
Alors que les tournois et les actualités du monde du eSport restent très majoritairement diffusés sur des médias en ligne, certains, plus grands publics, commencent à s’y intéresser de près. Comme L’Equipe 21, sur la TNT, qui a lancé le 22 janvier dernier la première émission TV sur le jeu de foot Fifa 16. « Il y a dix ans, personne n’aurait imaginé que des compétitions de eSport soient diffusées à la télévision française. Je suis très content que ça arrive », s’enthousiasme Nicolas Maurer, directeur financier de l’équipe de eSport Vitality.
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Du côté du gouvernement français, on commence aussi à se pencher sérieusement sur le monde du eSport. Le 19 janvier dernier, Manuel Valls a missionné mi-janvier Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, et Rudy Salles, député UDI des Alpes-Maritimes, pour réfléchir au développement des compétitions de jeux vidéos en France. La semaine dernière, l’Assemblée Nationale a voté en première lecture le projet de loi de République Numérique d’Axelle Lemaire, où un article évoque l’encadrement des compétitions de sport électronique.
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Source : Gros plan – Google Actualités