Vendredi soir, Florent Manaudou et Fabien Gilot ont triomphé lors de la finale du 100 m nage libre des championnats d’Europe de natation, à Berlin. L’événement a été scruté sous tous les angles, littéralement, puisqu’aux caméras disposées autour de l’eau s’ajoutent depuis quelques années les appareils photo situés au sein même du bassin. On leur doit ces images toujours plus spectaculaires de nageurs saisis en immersion.
Comment prend-on de tels clichés aquatiques ? « Le Nouvel Observateur » a posé la question à Damien Meyer, le photographe de l’AFP qui suit l’Euro en sous-marin. Mode d’emploi.
Un caisson étanche au fond de l’eau
« L’Agence France-Presse utilise une installation-prototype constituée d’un appareil robotisé et d’un caisson étanche placé au fond de l’eau », explique Damien Meyer. Développé en partenariat avec Nikon et la société française Extrem’ Vision, ce système permet, chose rare, de contrôler à distance tous les paramètres de la prise de vue – y compris l’orientation de l’objectif – et de transférer automatiquement les fichiers. Ce qui ne signifie pas que l’opérateur ne fait jamais trempette : l’installation du matériel, longue d’une heure et demie, se pratique avec maillot de bain et bouteille à air comprimé.
« J’ai passé mon brevet de plongeur spécialement pour ça », sourit Damien Meyer. Et de rendre hommage à son collègue François-Xavier Marit (photo, ci-dessus), « le Géo Trouvetou » de l’AFP, qui a chapeauté le développement du caisson. « François-Xavier a effectué les premières photos sous-marines pour l’AFP, lors des JO d’Athènes en 2004 », se souvient-il. « À l’époque, il procédait en apnée et déclenchait au jugé, avant de récupérer manuellement les photos à la fin de l’épreuve. »
Le prototype du caisson robotisé coûte « environ 30.000 euros », indique Damien Meyer. À ce prix, il faut additionner celui de l’appareil photo, un Nikon D4 muni d’un objectif 24-70 f2.8, d’une valeur d’environ 5.000 euros. « Autant dire qu’il faut faire très attention lors de l’installation. Il vaut mieux perdre 10 minutes à revérifier les joints toriques que de noyer l’appareil. Cela ne m’est pas encore arrivé, je touche du bois… »
Déclenchement depuis les tribunes
Deux câbles relient le caisson sous-marin au poste de contrôle du photographe de l’AFP, l’un permettant de guider la tourelle robotisée, l’autre de gérer les réglages de l’appareil photo et de transférer les clichés. Sur l’écran d’ordinateur, le logiciel Nikon Camera Control Pro 2 affiche l’angle de vue de l’appareil, modifiable via le joystick de la télécommande, façon jeu vidéo. Le bouton rouge, lui, permet de déclencher les prises de vue. « Le mode Live View implique une légère latence, il faut anticiper », témoigne Damien Meyer.
La principale difficulté, c’est de prendre la photo au moment où le nageur a la tête sous l’eau, sans quoi l’image n’a pas d’intérêt. C’est surtout une question de chance. »
Quid de la postproduction ? S’il se dit surpris de la qualité des résultats obtenus, Damien Meyer relève qu’il faut « traiter » les images avant de les diffuser sur la plateforme commerciale de l’AFP. « L’eau produit une réverbération bleue et aspire le rouge. C’est un cauchemar pour la colorimétrie. »
Le robot est-il le futur de la photo ?
Grâce à ce prototype, l’Agence France-Presse produit massivement des images qui participent à renouveler l’iconographie de la photo de natation. Certaines épreuves dévoilent ainsi d’envoûtants ballets parallèles. « J’ai insisté pour couvrir la première semaine des championnats et suivre la natation synchronisée. Sous l’eau, le mouvement perpétuel des nageuses est impressionnant », confie Damien Meyer. Au point de voler la vedette à la chorégraphie officielle, celle que l’on voit de l’extérieur de l’eau ? « N’allez surtout pas dire ça aux nageuses ou à leurs entraîneurs ! » s’amuse le preneur d’images.
Outre l’Euro de natation à Berlin, les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi et la Coupe du monde de foot au Brésil ont été les témoins de la progression des appareils robotisés, sans cesse plus nombreux, sans cesse plus efficaces. Iront-ils jusqu’à remplacer les photographes sportifs ? « Cela arrivera peut-être, mais le plus tard possible, j’espère », dit Damien Meyer. « Et puis les photos filées, les photos artistiques, c’est sympa, quand même. Ces photos, un robot ne peut pas les faire… »
Cyril Bonnet – Le Nouvel Observateur
Photos : Damien Meyer / AFP
Source Article from http://tempsreel.nouvelobs.com/photo/20140822.OBS6933/euro-de-natation-comment-prend-on-des-photos-sous-marines.html
Source : Gros plan – Google Actualités