Dans la nuit du vendredi 11 mars 2016, l’artiste urbain Blu a effacé toutes ses œuvres des murs de Bologne, sa ville natale. Vingt ans de sa vie recouverts en un soir, à grands coups de peinture grise.
Un hara-kiri spectaculaire et vengeur, pour protester contre une exposition, « Street art, Banksy & Co. L’art à l’état urbain », qui, en plus d’avoir un nom racoleur, s’est montée en arrachant les œuvres des murs sans son autorisation, pour les présenter ensuite au public avec un ticket d’entrée à 13 euros. Au motif d’offrir « une réflexion sur les modalités de protection, de conservation et d’accrochage en musée des expériences urbaines » (en clair : sauver de la dégradation des œuvres dans la rue pour ensuite pouvoir les conserver), les organisateurs de l’événement sont allés se servir dans toute la ville pour constituer leur collection à peu de frais. Sans demander la permission aux artistes, et sans les rémunérer.
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Sous couvert d’un bon sentiment, un acte de piraterie officielle, qui en plus dénature profondément l’œuvre urbaine : sortie de son contexte, affranchie de son caractère éphémère, détournée du public populaire pour l’élite, sa raison d’être originelle n’existe plus. Refusant la récupération, Blu a donc préféré disparaître, pour « rendre le pillage impossible », selon ses propres termes.
Le Banksy italien
Le trentenaire n’en est pas à son premier coup de sang. En 2014, il était revenu à Berlin, dans le quartier de Kreuzberg, pour repeindre de noir une de ses célèbres fresques gigantesques. Motif : elle était l’objet de spéculation immobilière, sa présence faisant grimper le prix du mètre carré de l’immeuble d’en face. L’homme est donc de caractère ombrageux. Comme le sacro saint Banksy, l’Italien cultive l’anonymat (il ne donne aucune interview), et une farouche liberté artistique. Katre, street artiste français qui connaît bien le personnage, ne s’étonne pas de sa réaction : « Il y a une volonté permanente chez Blu de provoquer le débat, c’est un artiste militant, avec une démarche pure et dure, sans compromis. Il ne fait aucune expo, privilégie les fanzines aux galeries, c’est un soldat de l’ombre… Se retrouver ainsi en tête de gondole d’une expo pareille, ça lui est insupportable. »
“Détruire est aussi fort que dessiner.” Marko93, street artiste
Le geste est radical, presque excessif. Le graffeur et street artiste francilien Marko93 y voit une bonne raison : « Que cette opération soit faite sans l’autorisation du créateur est inadmissible. Blu a cherché une réponse forte. Il s’est “auto-toyé’” et c’est un geste qui pour moi a du sens d’un point de vue artistique. L’altération fait partie du processus. Détruire est aussi fort que dessiner. Ce qu’il a fait, c’est brillant : un happening pour renforcer le message. Beaucoup de gens sont interpellés, et parlent de cette histoire aujourd’hui, il a réussi à ouvrir le débat. » Katre va dans le même sens : « C’est sa réponse artistique au film de Banksy à New York, où l’Anglais semait des œuvres partout dans la ville pour ridiculiser la spéculation frénétique autour du street art. Blu va dans le même sens : son art n’est pas conçu pour devenir une marchandise ».
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Source : Gros plan – Google Actualités