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L’Allemagne n’est rien sans l’Europe – La Tribune.fr

« En dépit de ce que l’on veut faire croire à propos de notre gestion de la crise européenne, nous vivons dans le monde réel et non dans un univers parallèle où les principes de l’économie ne s’appliquent plus. » C’est en ces termes que s’est exprimé la semaine passée le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, dans une tribune rédigée pour le Financial Times  dont le titre laisse pantois : « Ignorez les mauvaises augures, l’Europe est en train d’être réparée ! »

Passant outre la dégradation des déficits publics dans l’ensemble des pays européens périphériques, feignant d’oublier l’explosion du chômage (dont celui, dramatique, des jeunes) dans l’ensemble de l’Union, Schäuble se félicite de l’ « austérité européenne réussie ». Et cite, pour illustrer son propos, les exemples de la Grande-Bretagne des années 1980, de la Suède du début des années 1990, de l’Asie du Sud-Est de la fin des années 1990, et, bien sûr, de son propre pays, l’Allemagne des années 2003 à 2005. Autant de pays et de régions qui ont, en leur temps, adopté avec succès des mesures de rigueur extrêmes et qui ont ainsi pu faire redémarrer leurs économies respectives.

L’austérité au mauvais moment Recettes qui ne peuvent évidemment pas s’appliquer au contexte européen actuel qui souffre tout d’abord de ne pas pouvoir (ou vouloir) dévaluer l’euro, alors même que c’est la dépréciation substantielle de leur monnaie qui a principalement autorisé le redressement de ces nations en crise, grâce au levier des exportations. Par ailleurs, Monsieur Schäuble passe sous silence la belle croissance moyenne des pays de l’OCDE entre 1985 et 2007 qui se situait entre 2,25% et 3,75%, comme il omet bien sûr de mentionner que ce n’est pas le 0,4 % de croissance moyenne de cette même OCDE qui parviendra, aujourd’hui, à avoir un quelconque effet d’entraînement sur une Union européenne décimée.

Dans une telle conjoncture, il est aisé de comprendre pourquoi Schäuble et ses collègues du gouvernement allemand ont imposé les « dévaluations intérieures » européennes : faute de pouvoir bénéficier d’un contexte général de croissance solide, et en l’absence de toute volonté politique de soulager un peu les pays européens sinistrés en exerçant une pression baissière sur l’euro. De fait, l’austérité actuelle ne pouvait être mise en place à un plus mauvais moment car, pour se redresser, les nations périphériques ne pourront compter que sur elles-mêmes (et sur la souffrance de leur population), tandis que l’Allemagne réformatrice du milieu des années 2000 s’en était sortie grâce à un climat global très favorable à ses exportations.

La productivité allemande n’est qu’un mythe

S’enfonçant davantage dans son déni, Schäuble s’applique scrupuleusement dans cet article à porter aux nues le modèle allemand, allant même affirmer que « la demande intérieure est le moteur principal de la croissance allemande ». Et il importe peu, après tout, s’il est pris en flagrant délit de mensonge car toutes les statistiques et analyses de l’Eurosat le contredisent. La réalité étant nettement moins flatteuse pour les dirigeants allemands – et autrement plus rude pour les travailleurs de ce pays – puisque les excédents allemands sont bien plus redevables à une consommation intérieure anémique et à des salaires misérables qu’à des gains en productivité.

De fait, selon une étude du très sérieux  European council on foreign relations, la croissance de la productivité de l’Allemagne – tant admirée ces dix dernières années – n’est qu’un mythe, car elle est dépassée par la France, par l’Irlande et par le Portugal ! En outre, et contrairement aux allégations de M. Schäuble dans le FT, les réformes de 2003-2005 ont sérieusement entamé les budgets consacrés à l’investissement (public et privé), aux dépenses en recherche et développement et à l’éducation.

Germanisation de l’Europe 

Et pour cause puisqu’elles ont eu pour effet de créer une classe à part entière de travailleurs pauvres, ou low-cost. En effet, Eurostat démontre que le taux de pauvreté a augmenté de 3,6% en Allemagne, soit quatre fois plus qu’en France ! Qu’à cela ne tienne : l’entreprise de germanisation de l’Europe se poursuit et, à cet égard, n’oublions pas sa philosophie qui veut que le travail ne soit qu’une variable au service du patronat. Une variable – voire une simple denrée –  dont le prix se doit de baisser en cas de ralentissement économique, c’est-à-dire en cas de moindre demande de cette denrée.

Dans ce continent européen germanisé, le travailleur et le salarié devront si nécessaire réduire leurs prétentions afin de ne pas compliquer la vie des entreprises, déjà suffisamment perturbées par les syndicats, par les lois sur le travail, par les prestations sociales et par les salaires minimum… Il conviendra donc au salaire d’être ajusté afin de ne pas entamer les profits des entreprises, ni affecter la balance commerciale. Si ce n’est que la transformation de l’Europe selon les préceptes allemands aura pour conséquence immédiate de briser cette dynamique allemande !

Les exportations ont sauvé l’Allemagne

C’est effectivement parce que la rigueur et les coupes salariales n’ont été mises en place que dans un seul pays qu’elles ont assuré le succès de l’économie allemande. C’est les exportations qui ont sauvé l’Allemagne de la spirale déflationniste qui aurait normalement dû être induite par la dégradation notoire de sa consommation suite aux réductions salariales. A cet égard, ne nous méprenons pas sur la signification des excédents allemands, qui sont tout bonnement le pendant des excès de dépenses des pays d’Europe périphérique. Le dumping salarial allemand s’est donc réalisé aux frais du reste de l’Europe. Les exportations allemandes n’ont pu prospérer que sur les « cadavres » espagnols ou portugais. C’est le manque de réaction de ces nations face à l’agressivité de l’Allemagne qui est la clé du succès de ce pays. C’est leur passivité qui a permis à l’Allemagne de contrer l’effet déflationniste potentiellement dévastateur de ses mini jobs et de ses autres travailleurs « Hartz » miséreux.

Un succès impossible sans Europe

Les succès allemands n’ont donc pu se réaliser qu’à la faveur de l’appétit de consommation de la périphérie européenne et, à la limite, pourrait-on aller jusqu’à dire : sans Grèce, pas d’Allemagne ! Comment ce pays peut-il prétendre aujourd’hui exporter son modèle vers le reste de l’Europe ? Une Union européenne « germanifiée » cesserait dès lors d’acheter des biens allemands… à moins que ce pays ne se décide dès lors à exporter vers la planète Mars ! Boutade de Paul Krugman qui revient à dire que l’Allemagne devra être moins allemande si son désir est que le continent européen, lui, devienne plus allemand. M. Schäuble doit impérativement émerger de son monde parallèle…

*Michel Santi, économiste franco-suisse, conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l’IFRI et est membre de l’O.N.G. « Finance Watch ». Viennent de paraître : une édition étoffée et mise à jour des « Splendeurs et misères du libéralisme » avec une préface de Patrick Artus et, en anglais, « Capitalism without conscience ». 

Source Article from http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20130923trib000786530/l-allemagne-n-est-rien-sans-l-europe.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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