A Marseille, en attendant que l’OM retrouve le chemin des terrains, on patiente avec la pétanque. A partir de dimanche et jusqu’à jeudi, le Mondial La Marseillaise, du nom du journal local communiste, rassemble 12 000 participants et près de 200 000 spectateurs. Organisé au Parc Borély depuis 1962, le plus grand tournoi international de pétanque doit beaucoup à son directeur, Michel Montana, également ancien directeur des relations extérieures de La Marseillaise.
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Ce tournoi a été créé en 1962 en association avec Paul Ricard, créateur du Pastis Ricard, et Charles Pasqua [mort le 29 juin], à l’époque directeur général des ventes de cette société. Racontez-nous cette drôle d’association…
Avant La Marseillaise, il existait et il existe toujours le concours Le Provençal – créé en 1908. On y joue à la longue [ancêtre de la pétanque, les parties sont mobiles sur un terrain de 15 à 20 mètres]. C’est agréable, comme jeu, un peu scientifique. Paul Ricard patronnait ce tournoi. Je vous raconte une vieille histoire, là, du temps où les partenariats avec les marques d’alcool étaient autorisés.
A la demande de Ricard et à celle de Charles Pasqua, je me suis rendu à une réunion avec des collègues du journal. Je connaissais Paul Ricard depuis 1953. Charles était un homme très dynamique, proche des gens, surtout avec ce métier dans l’alcool. Il rentrait dans les bars, connaissait tout le monde.
Dans le bureau, ils nous disent : « Nous voulons faire un gros truc qui ne serait pas Le Provençal. » Il faut savoir qu’au journal, nous étions déjà sur la pétanque. On organisait des tournois lors de nos fêtes. On a accepté l’idée de cette association, et c’est comme ça qu’est né, au parc Borély, le Critérium national de la pétanque, qui est devenu l’année d’après le Ricard de La Marseillaise.
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Etait-ce un tournoi militant au départ ?
Pas du tout. Il était dès le début ouvert à tout le monde. Nous n’avons jamais eu cette idée. Le but est de faire venir un maximum de gens, d’élargir le plus possible. D’ailleurs, la première année a été un échec, on a eu que 1 000 personnes. On s’est demandé : « Pourquoi les types ne viennent pas ? »
On s’est à nouveau réuni avec Charles, Paul et son fils Patrick cette fois-ci, qui avait 18 ans. Au passage, c’est une merveille, comme on dit en Provence, très convivial, agréable et chaleureux. Bref, ils nous ont dit qu’il fallait continuer. Vous savez, Paul Ricard, il ne s’arrêtait pas en chemin quand il commençait quelque chose. Le riz, c’est le premier qui l’a fait en Camargue, personne n’y croyait. Ce type, il avait la volonté.
Cela a pris très vite…
Les gens n’avaient pas avalé la première année un si grand concours de pétanque. Mais l’année suivante, ça a marché direct. On a très vite dépassé Le Provençal. A l’interdiction du parrainage des manifestations sportives [par un producteur d’alcool], lors de la loi Barzach en 1987, on a décidé de renommer le tournoi en s’inspirant du Mondial de football. En 1986 au Mexique, on disait « Mundial », je crois. Du coup, on l’a appelé le Mondial La Marseillaise.
C’est énorme comme réussite. Tenez, regardez ce qu’en disent les autorités sur la brochure de communication. Tous, les politiques interviennent tous à leur façon. Ça les réunit. Comme on dit, mon cher ami, à la pétanque pas de parti pris. L’essentiel est que tout le monde ait le sourire et soit gai.
Le Mondial a-t-il favorisé la résistance du journal tout au long de ces années ?
Vous savez, le tournoi est une association loi 1901. Le journal est notre partenaire privilégié. Economiquement, non, il n’y a pas de lien direct. En termes de notoriété, par contre, ça l’a beaucoup aidé. La diffusion augmente de 15 % à 20 % durant la compétition.
La situation de La Marseillaise est très délicate. Après le dépôt de bilan en novembre 2014, un récent plan de reprise a validé la suppression de 91 postes sur les 208 de l’entreprise. Quelque chose est-il prévu cette année lors du tournoi ?
C’est une situation bien malheureuse, mais il n’y aura pas d’impact sur le Mondial. Vous savez, le Mondial, c’est 350 bénévoles. On n’a jamais payé personne. C’est un super dévouement. Je suis étonné chaque année. C’est un tel plaisir de voir nos bénévoles du matin au soir. Certains sont avec nous depuis trente ans. Ils n’ont jamais quitté le truc.
Quel est le budget du Mondial ?
Le budget d’une telle compétition s’élève à 1,2 ou 1,3 million d’euros. Tout cela est financé grâce aux sponsors, du privé au public, vous avez tout ce que vous voulez, même les amis… Et puis notre sponsor numéro un est le journal, qui parle tous les jours de la compétition.
Comment est-il passé d’un tournoi local à un tournoi mondial ?
Cela a d’abord été local, enfin plutôt régional, on avait quand même six départements limitrophes. Vous savez, on a mis cinquante-quatre ans pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. C’est le premier concours de boules au monde : 88 départements, une vingtaine de pays avec l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, la Chine, Madagascar, la Norvège, la Suède ou encore la Malaisie…
En 2014, une triplette venue de Madagascar s’est inclinée en finale. De quel pays sera originaire la première triplette non française à remporter le Mondial ?
Ça, cela serait l’événement de l’événement ! Les Malgaches jouent bien, les Chinois aussi. Puis, les Belges et les Allemands, ils deviennent forts aussi. Non vraiment, c’est le plus grand tournoi au monde. Il n’y en a pas d’autre. Quand un concours fait 1 000 ou 2 000 joueurs, ils mettent tous les drapeaux. Alors, vous voyez un peu, c’est la vérité ce que je vous dis là.
Vous souvenez-vous des vainqueurs des éditions 1974, 1975 et 1976 ?
Non, non. Hum, si attendez, c’est Foyot. Il y avait Marco Foyot et François Mélis, qui bossait chez Ricard en région parisienne. Puis l’autre là, il tenait un bar à la porte Dorée à Paris.
Le troisième c’est Raymond Authieu. Ce sont les seuls Parisiens à avoir gagné…
Oui, c’est ça. Ils ont gagné trois fois de suite. Ce sont les seuls. Foyot a gagné six fois au total. L’anecdote amusante c’est que Foyot, qui était tout jeune, faisait son service. Lors de leur première victoire, ils avaient prévu de perdre le premier jour et de s’escamper [s’enfuir en occitan] le soir sur Paris. Finalement, ils gagnent. J’ai alors appelé le colonel de Foyot pour lui demander une faveur. Il a été chouette et il a accepté : « On sait, c’est un grand joueur de boules. »
A Londres, des Parisiens exilés organisent depuis deux ans un tournoi de pétanque, La Londonaise (75 triplettes internationales contre plus de 4 000 pour le Mondial). A Paris, de nombreux jeunes jouent à la pétanque, notamment au bord du canal de l’Ourcq. La pétanque est-elle devenue branchée ?
Vous savez, il y a 20 millions de personnes qui jouent en France chaque année. Il n’y a pas un village où l’on ne joue pas. A Marseille chaque année, c’est rempli de Parisiens, et pas seulement. S’ils ne viennent pas, vaut mieux que je parte. Nous avons près de 200 000 spectateurs sur cinq jours, dont 60 000 le dimanche, pour le premier jour. On fait la licence temporaire à ceux qui ne sont pas licenciés.
La pétanque est-elle un jeu ou un sport ?
Pour moi, c’est un sport, vu le nombre de parties du dimanche au jeudi soir. Les jeunes pratiquent. Et ce qui est important, c’est qu’au tennis, par exemple, on ne se parle jamais, en dehors de la fin quand l’un des deux est battu. Soyez juste. La pétanque est le sport le plus convivial avec des rencontres qui se font sans arrêt. On chahute, on rigole, on se détend pendant que l’on joue.
Participez-vous au tournoi ?
J’y ai participé pendant quarante-cinq ans. Je suis pointeur moi, je ne tire pas. J’étais vite sorti. Même quand j’étais avec de bons joueurs, ils ont été battus comme les autres. C’est peut-être moi qui les ai tués.
Source Article from http://www.lemonde.fr/sport/article/2015/07/05/michel-montana-la-petanque-est-un-sport-et-c-est-le-plus-convivial_4671340_3242.html
Source : Gros plan – Google Actualités