John Key se voyait déjà reconduit pour trois nouvelles années à la tête de la Nouvelle-Zélande. Populaire au sein de l’île, le leader conservateur du National Party allait profiter des divisions chez les travaillistes et de son bilan pour continuer son travail à la tête du pays. Puis vint le 13 août, et la sortie du livre de Nicky Hager, Dirty Politics, qui raconte la face cachée de la politique néo-zélandaise. Pour John Key et son parti, les certitudes ont cédé la place au doute et à la polémique. L’onde de choc est telle que l’éditorialiste politique du New Zeland Herald, quotidien de centre-droit, John Armstrong, en vient à estimer que la Nouvelle-Zélande vit son Watergate.
Dans son ouvrage, Nicky Hager explique notamment comment l’entourage du premier ministre aurait transmis des informations secrètes à un blogueur, Cameron Slater, pour nuire au leader du parti travailliste lors de la campagne des législatives de 2011. Le blogueur s’est ainsi retrouvé en possession d’une base de données indiquant la liste des membres, des emails et des dons effectués au parti.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir en mars 2013. A l’époque, un hacker – dont on ne connaît toujours pas le nom – met la main sur plusieurs milliers d’emails et de conversations sur Facebook de Cameron Slater. Son blog, Whale Oil, est très virulent, parfois malveillant, envers notamment le parti travailliste.
Ces conversations montrent les relations du blogueur avec plusieurs proches du premier ministre, dont Jason Ede, son ancien directeur de la communication, et la ministre de la justice, Judith Collins. Ensemble, ils établissent plusieurs angles d’attaque contre leurs opposants politiques. C’est cette matière, notamment, qui a nourri le livre de Nicky Hager.
« Un gauchiste hystérique adepte de la théorie du complot »
Au cœur du scandale, John Key a réfuté les accusations, même s’il a été obligé de reconnaître certaines dérives, dos au mur. Avec ses alliés, ils s’en sont pris au journaliste qui a publié Dirty Politics, le présentant comme un « gauchiste hystérique adepte de la théorie du complot ».
Pourtant, réplique ce dernier, les membres du Parti national tenaient un tout autre discours il y a douze ans, quand le journaliste s’était attaqué au Parti travailliste, en publiant un livre, là encore, quelques jours avant l’élection. Le journaliste affirme par ailleurs ne pas avoir fait exprès de choisir cette date de publication. Il explique l’avoir rédigé aussi vite que possible après avoir obtenu les documents, au début de mars.
L’affaire ne s’arrête pas là. En même temps que le livre était publié, au milieu du mois, un compte Twitter s’ouvrait avec pour nom @whaledump, en référence au nom du blog de Cameron Slater. Intrigant à plus d’un titre. Impossible de savoir s’il s’agit de la même personne qui a renseigné Nicky Hager, en mars, mais plusieurs copies d’email présentes dans les tweets pourraient le laisser penser.
Des références à Julian Assange et à Kim Dotcom
Le titulaire du compte ne manque pas d’humour. Dans la catégorie adresse, il a renseigné « Not Flat 3b, 3 Hans Crescent ». Soit l’adresse de Julian Assange, le cofondateur de WikiLeaks, à l’ambassade d’Equateur à Londres. Enfin, dans le champ website de son profil, il indique « not.mega.co.nz » qui renvoie vers Mega, le site fondé par Kim Dotcom.
Un personnage bien connu. Kim Dotcom est le fondateur de MegaUpload, le site de téléchargement direct et de sa plate-forme de streaming, MegaVideo, fermés au début de 2012 par la justice américaine. Arrêté, il a ensuite été libéré sous caution. Le procès n’a jamais eu lieu. La police néo-zélandaise l’avait mis sur écoute illégalement. Quelques mois plus tard, John Key devait s’en excuser publiquement au nom de son pays.
Les deux affaires pourraient-elles être liées ? Le fondateur de MegaUpload dément être lié au piratage des données de Cameron Slater. Il est pourtant vrai qu’un tel scandale pourrait lui bénéficier.
Il y a quelques mois, le Finno-Allemand a en effet déboursé 3 millions de dollars néo-zélandais (près de 2 millions d’euros) pour lancer The Internet Party. Et pour les élections, il a créé une alliance avec le mouvement mana, Internet Mana.
Or, depuis la sortie de Dirty Politics, le parti de John Key a perdu près de cinq points dans les sondages, passant de 49,5 à 45 %. Une situation dont ne profitent pas les travaillistes, qui continuent de stagner autour de 25 % des intentions de vote. Cela pourrait donc permettre l’entrée de membres du parti de Kim Dotcom au Parlement néo-zélandais.
De son côté, Kim Dotcom a déclaré qu’il ferait des révélations le 15 septembre qui devraient embarrasser le premier ministre, à cinq jours des élections. Le même jour, il organisera une fête où sera présent Glenn Greenwald, l’homme qui a publié les révélations sur les programmes de surveillance de la NSA. Le feuilleton n’est manifestement pas terminé.
Source Article from http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/08/30/en-nouvelle-zelande-l-etrange-scandale-qui-mele-le-premier-ministre-et-un-blogueur_4479076_4408996.html
Source : Gros plan – Google Actualités