Plus une chaise de libre. Les plus âgés se sont installés avec une heure d’avance. Soudain, un frisson parcourt la salle polyvalente du petit bourg d’Aubignan, au pied du mont Ventoux, où près de 350 militants du Front national sont venus dîner jeudi soir autour de longues tables dressées de noir. Marion Maréchal-Le Pen entre avec Gilbert Collard. Applaudissements debout. « Je suis venu déguster avec vous l’avant-goût de la victoire », lance l’élu du Gard voisin.
La victoire dans quinze jours, comme une quasi-certitude, presque une délivrance. « Ça y est, elle arrive, enfin! », s’enthousiasme, au fond de la salle, un ouvrier reconverti dans l’agriculture, les yeux rougis par l’émotion. Le Vaucluse est en haut de la liste des départements jugés gagnables par le parti de Marine Le Pen. Sa nièce, qui dirige la fédération locale, nuance à peine : « Je dis que nous pouvons gagner, c’est un espoir raisonnable, mais je ne mets pas la charrue avant les bœufs. »
Le Front national pense ravir au PS ce territoire de Provence, à la faveur de son implantation locale. Une députée, deux maires (dont l’un, au Pontet, a vu son élection invalidée), des conseillers municipaux, l’appui espéré de la Ligue du Sud de l’ex-frontiste Jacques Bompard, et des résultats en hausse. Le nombre des adhérents y est passé de 400 à 930 en deux ans. « Tous les signaux sont au vert », dit-on au FN.
« Ce Premier ministre me fait peur »
Marion Maréchal-Le Pen est de toutes les réunions publiques. Vendredi soir, elle s’est rendue avec Louis Aliot, vice-président du parti, devant 130 militants dans un vaste restaurant un peu perdu entre la centrale nucléaire du Tricastin et un barrage hydroélectrique, près de Bollène. De la peinture verte aux murs, des écharpes de l’OM tendues au-dessus du bar, une petite scène avec deux drapeaux tricolores.
La jeune députée a visé Manuel Valls, qui l’a tancée mardi à l’Assemblée en s’érigeant en rempart contre l’extrême droite. « Je n’attendais pas un tel déversement de haine, de nervosité, de postillons », dit-elle à la presse. « Ce Premier ministre me fait peur. Il s’est trahi sur son incapacité à assumer la fonction. Il est resté représentant d’une sous-section du PS à Évry. » Puis, au micro, elle appelle ses troupes à remporter une victoire qui provoquerait un changement à Matignon : « Achevez donc Manuel Valls qui est au bord de la crise cardiaque. Faites-moi ce plaisir, je vous fais confiance. »
La veille, Gilbert Collard avait lui aussi raillé le chef du gouvernement : « Ce personnage est beaucoup plus qu’un crétin. Il est temps qu’on impose tous les trois mois un bulletin de santé du Premier ministre. » Et de moquer encore : « Sa femme, qui est violoniste, lui joue des berceuses. La nuit, il ouvre les placards, il voit les objets bouger. »
Vendredi, jour de marché à Carpentras. À l’entrée de la vieille ville, l’avocat Hervé de Lépinau, 45 ans, est tout sourire. Les passants glissent des confidences, transmettent leurs doléances… « On vous distribue le tract de nos adversaires! », s’amuse-t-il. Un document pastiche qui reprend treize fois la phrase « lutter contre le Front national », comme prétendu programme des autres partis.
« Je retrouve le RPR des années 1990, celui de la grande époque »
Dans ce département, où le taux de pauvreté est le septième de France, le Front national marche sur les plates-bandes de l’UMP y compris au sein des classes aisées de centre-ville. « La normalisation est totalement aboutie. L’UMP court derrière nous. Je vois parfois mal ce qui nous distingue », estime la petite-fille de Jean-Marie Le Pen. À Avignon, la candidate frontiste Anne-Sophie Rigault, 38 ans, venue du parti de Nicolas Sarkozy, comme son colistier, confirme : « Je retrouve le RPR des années 1990, celui de la grande époque. »
Marion Maréchal-Le Pen, 25 ans, a auditionné « avec soin » tous les candidats, dont une petite moitié se présente pour la première fois à une élection. Son attaché parlementaire leur fait faire un media training. Sa vaste permanence de Carpentras, un ancien club de sport, peut accueillir du monde : une salle de réunion, une autre avec canapés et tonneaux debout façon bodega, et des bureaux.
Les techniciens du parti, de leur côté, se préparent à gérer le département. Philippe Lottiaux, 48 ans, énarque, assure avoir tout regardé : les subventions aux associations, le RSA, le tourisme… « On sait ce qu’on peut mettre en œuvre, c’est calculé et raisonnable. Quand on arrive aux commandes, on n’a plus le temps de réfléchir. » Il dirige les services de la municipalité FN de Fréjus. Auparavant, il était le patron de la mairie UMP de Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine.
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Source : Gros plan – Google Actualités