« Uber? Jamais entendu parler ! » Ce chauffeur de taxi de Tokyo a quelques soucis. Son lumbago, entretenu par ses 48 heures de travail hebdomadaire. Ses vieux jours, plutôt chiches avec un salaire de 200.000 yens (1.500 euros) par mois. Mais il ne connaît pas la start-up californienne qui a mis Paris à feu et à sang. La start-up californienne, qui a le statut d’agent de voyages dans l’Archipel, est cantonnée à un service de réservation de VTC et de… taxis ! Sa seule initiative originale est « Uber Black », un service de limousines select emprunté par une petite coterie de patrons de start-up, d’artistes en vue et de touristes étrangers. Pourquoi ? Parce qu’Uber ne répond à aucun besoin au Japon.
Les Japonais ne sont pas près d’emprunter Uber. Leur offre de taxis traditionnels est pléthorique, avec 358.000 véhicules (dont 50.000 à Tokyo) en activité. Les conditions d’obtention d’une licence (gratuite) de taxi sont très simples (il faut trois ans de conduite), et le nombre de véhicules en service a explosé depuis quinze ans. Mais la killer app des taxis japonais est leur légendaire niveau de service. De la porte qui s’ouvre automatiquement aux sièges recouverts de dentelle, en passant par la petite boîte à mouchoirs à l’arrière, sans oublier les divers chargeurs de téléphone mobile qui pendent du siège du passager avant, le taxi japonais est la calèche du monde moderne, les cahots en moins. Le passager français, entre les mains d’un chauffeur à la courtoisie exemplaire (souvent un ancien cadre qui a trouvé dans le taxi une seconde carrière), en gants blancs, qui couvre les petites distances comme les grandes et fait rire les enfants au besoin, oublie bien vite les bouchons parisiens. N’ayant aucune occasion de se plaindre, il n’a pas besoin de noter son chauffeur. Dans un tel contexte, Uber n’offre qu’une facilité de réservation supplémentaire.
Une variante d’UberPOP
La start-up a bien tenté d’imposer une variante d’UberPOP au Japon. Pendant un mois, à Fukuoka (sud du Japon), elle a proposé un service de covoiturage gratuit pour les clients, mais pour lequel il payait directement les chauffeurs. Objectif officiel: récolter des données sur le transport en milieu urbain. En réalité la manœuvre consistait à familiariser le grand public avec son service avant d’imposer son modèle. Uber arguait que l’opération n’était pas commerciale car les chauffeurs n’étaient pas payés. Le ministère n’a pas voulu entendre ces arguments. « Cette expérience était illégale pour trois raisons: les conducteurs n’avaient pas de licence de taxi, ils n’avaient qu’une assurance ordinaire, et enfin le signataire du contrat se trouvait hors du Japon, ce qui rendait compliquées les poursuites en cas de litige » explique Hidetaka Sakai, de la division « transport routier » au ministère des transports.
Entre-temps, les grandes compagnies de taxi locales et l’ultrapopulaire réseau social LINE ont lancé leur propre application de réservation qui, d’après la presse japonaise, est déjà plus performante que celle d’Uber.
Source Article from http://www.challenges.fr/entreprise/20150707.CHA7696/ce-pays-ou-la-start-up-uber-fait-un-terrible-flop.html
Source : Gros plan – Google Actualités