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Carlton : «Quand j’ai vu arriver Dominique Strauss-Kahn, je me suis … – Libération

Ils sont tous revenus, suivant peut-être les conseils avisés de leurs avocats. Lundi, les sept principaux prévenus du procès du Carlton se sont alignés sur deux rangées de sièges, pour écouter plaider les représentants de la partie civile devant le tribunal correctionnel de Lille. Au premier rang, costume sombre, jambes étendues, bras croisés, Dominique Strauss-Kahn a les yeux fermés. Dort-il ? Ses yeux s’ouvrent quand le ton de l’orateur monte.

L’après-midi, son cas a été longuement évoqué. Notamment par David Lepidi, avocat de l’association Equipes d’action contre le proxénétisme (EACP). Martelant d’un côté que Dominique Strauss-Kahn «savait parfaitement» que les recrues féminines des partouzes étaient des prostituées, il a, d’un autre côté, voulu admettre que la preuve formelle de cette connaissance n’était pas apportée. «C’est la raison pour laquelle Equipes d’action contre le proxénétisme a décidé de retirer sa constitution de partie civile contre M. Strauss-Kahn», a conclu l’avocat. Si vraiment DSK croyait être en présence de «libertines», comme il l’a toujours affirmé, il ne peut donc être considéré comme proxénète, c’est tout l’enjeu du dossier.

Cet exercice d’équilibrisme judiciaire (nous sommes sûrs qu’il savait mais ne pouvons pas le prouver) semble dicté par l’anticipation de ce que devraient être, ce mardi, les réquisitions du parquet. Sur ce point, Gilles Maton, avocat des quatre anciennes prostituées parties civiles, a été plus explicite. Rappelant que, durant l’instruction, le ministère public avait réclamé un non-lieu pour Dominique Strauss-Kahn. Et ajoutant : «Nous pensons comprendre que ce sera aussi le sens des réquisitions orales. Nous ne serons donc pas plus royalistes que le roi.» Plaidant en alternance avec lui, son associé Gérald Laporte a précisé : «Il peut y avoir à l’encontre de certains prévenus une absence d’éléments telle qu’aucun compte ne pourra leur être demandé.» Ajoutant et insistant, pour les quatre femmes qu’il représente : «Elles ne sont pas venues crier vengeance.»

«Syndrome de la toute-puissance»

Ainsi, contre l’ensemble des prévenus, les anciennes prostituées n’ont réclamé qu’un euro symbolique de dommages et intérêts. «On a certes eu besoin de votre argent, à un moment. Mais aujourd’hui on n’en veut plus», a affirmé Gilles Maton en leur nom. S’il y a un intérêt à ce procès, a poursuivi l’avocat, «c’est de se pencher sur le syndrome de la toute-puissance chez ce genre de personne. On prend votre avis sur tout, on vous invite, on vous courtise. Vous ne payez rien : pas les hôtels, pas les restos et pas les filles – et finalement l’ironie c’est que c’est ce qui le sauve dans ce procès, le fait qu’on n’ait pas la preuve de sa connaissance du paiement. Quand j’ai vu arriver Dominique Strauss-Kahn j’ai eu une sorte de vision. Je me suis dit : c’est le Minotaure. C’est le tout-puissant à qui des serviteurs amènent des jeunes filles, comme une sorte de rite.»

Le matin, Emmanuel Daoud, avocat de l’association Le Nid, également partie civile, avait parlé lui d’un «Sardanapale des temps modernes, avec sa cour de serviteurs dévoués». «Pourtant est-ce si difficile d’imaginer qu’il savait parfaitement que certaines étaient des prostituées ?, a-t-il enchaîné. Etait-il si naïf, si crédule ? Il va peut-être bénéficier d’une relaxe, mais nous sommes nombreux à ne pas être dupes.»

Au nom de l’association qu’il représente, et qui «accompagne» plus de 1 500 prostituées en France, Emmanuel Daoud a tenu à rappeler les enjeux «plus larges», soulevés par ce dossier médiatique dit du Carlton, et les deux semaines d’audience. «Ce n’est pas seulement le procès de ces prévenus. C’est aussi celui de la société et de chacun d’entre nous. Il y aura un avant et un après. Nous ne ricanerons plus à l’évocation des parties fines où des femmes sont offertes par certains à leurs amis. Nous disserterons moins sur la prostitution plus ou moins choisie. La prostitution n’est pas un choix de carrière.»

«De quoi peut-on débattre alors ?»

Au premier jour, a-t-il rappelé, le président du tribunal avait tenu à marquer «que le tribunal n’est pas le gardien de l’ordre moral». Emmanuel Daoud y voit un leurre. «Alors, on ne pourrait plus évoquer la moindre dimension sociétale ? Du droit, rien que du droit ? A chaque argument, on nous renverrait en nous disant : vous êtes du côté de l’ordre moral… De quoi peut-on débattre alors ? Il faudrait garder le silence, ne rien dire des actes, de ces hommes qui, entre eux, parlent de “matériel”, de “négresse”, de “cheptel”, de “dossiers” ?»

Le silence, évidemment, il ne le garde pas. Rappelant les descriptions des bordels belges vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, des femmes alignées devant les clients «comme de la viande sur des crochets», faites par les anciennes prostituées Jade et Laura. Rappelant les conversations téléphoniques de René Kojfer, l’ex-chargé des relations publiques de l’hôtel Carlton : «J’ai un dossier. Je ne peux pas te le donner tout de suite, ça a 18 ans. C’est une fille qui va à l’école. J’te la ferai croquer. Tu retournes cinquante ans en arrière !». Pour lui, Dodo la Saumure, le proxénète propriétaire des maisons de passes belges évoquées est un «un marchand de viande cynique et retors. En rien un souteneur ou un protecteur à l’ancienne». Pour lui, René Kojfer «est un bien triste sire qui se pare des habits du vieil homme sourd et malade».

L’avocat termine en s’adressant à Dominique Strauss-Kahn, «qui nous a expliqué d’un ton professoral que son sens de la fête le poussait à avoir en horreur la prostitution et les prostituées». Les parties civiles, dit le représentant de Jade, Laura, M. et A., «ne veulent pas de votre compassion, M. Strauss-Kahn. Vous ne savez même pas ce que veut dire ce mot».

Source Article from http://www.liberation.fr/societe/2015/02/16/carlton-quand-j-ai-vu-arriver-dominique-strauss-kahn-je-me-suis-dit-c-est-le-minotaure_1204055
Source : Gros plan – Google Actualités

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