Qu’il y ait eu de l’eau coulant à la surface de Mars, il y a assez peu de doutes là-dessus. Les images relayées par les différentes sondes et engins au sol ont montré des paysages et des rochers apportant de nombreux éléments allant dans ce sens. Depuis des années, de nombreuses équipes scientifiques s’interrogent sur la manière dont l’atmosphère et la surface de la planète rouge ont évolué pour parvenir à ce monde désertique que nous connaissons aujourd’hui, avec des températures et pressions qui transformeraient la moindre goutte d’eau en glace (ou la feraient s’évaporer sur le champ).
Comment, d’une planète qui aurait eu une atmosphère aussi dense que la nôtre et de grandes quantités d’eau liquide à sa surface, sommes-nous arrivés à la « planète rouge »? Quels événements ont présidé à ces changements considérables? Quand cela s’est-il produit ? Ces interrogations sont au coeur des recherches des planétologues, qui s’interrogent sur l’évolution du climat martien.
On a retrouvé sur Terre quelques météorites martiennes, issues de collisions entre Mars et d’autres corps célestes, et leur analyse nous apporte des éléments précieux, mais encore incertains. En 2005, une étude publiée dans la revue « Science » affirmait, en se basant sur l’une d’entre elles, que les températures de surface n’avaient pas changé durant les 4 derniers milliards d’années. A l’inverse, une étude publiée en juin de cette année dans le magazine « Icarus », se base sur l’analyse d’un cratère martien pour affirmer que de l’eau coulait encore sur Mars il y a 200.000 ans!
Toute l’histoire de Mars dans un « faux diamant » ?
Cette semaine, c’est le travail d’une équipe internationale emmenée par A.A.Nemchin, du département de géosciences du muséum suédois d’histoire naturelle, qui est publié dans « Nature Geoscience » et qui amène des éléments de réflexion supplémentaires… Voire un calendrier du climat martien depuis plus de quatre milliards d’années. Ces chercheurs ont étudié ce que l’on pense être la plus ancienne météorite martienne jamais découverte, trouvée en 2011 par des Bédouins en Afrique du Nord, et qui répond au surnom de « Black Beauty ». Ils ont plus précisément analysé les fragments de zircon présents dans un morceau de cette météorite.
Ce minéral, mieux connu pour ses utilisations comme substitut de diamant en bijouterie, est également un indicateur précieux. « Trouver un zircon, c’est comme trouver une montre, il commence à enregistrer le temps à partir du moment de sa naissance », explique avec enthousiasme le professeur Munir Humayun, de la Florida State University et l’un des auteurs de l’étude.
Un désert vieux de 1,7 milliards d’années… au moins
Les premiers éléments extraits des zircons de « Black Beauty » montrent qu’il y a environ 4,5 milliards d’années, l’eau était abondante à la surface de Mars. La planète avait également une atmosphère beaucoup plus épaisse, et les conditions d’apparition de la vie auraient été réunies… Mais le « climat idéal » n’aurait pas duré : il semble qu’environ 120 millions d’années après la formation de Mars, cette atmosphère n’était déjà plus aussi dense.
L’eau, en revanche, serait restée beaucoup plus longtemps. Combien, on ne le sait pas encore, mais ce qui est certain selon les auteurs de l’étude, c’est que le désert sec martien tel qu’on le connaît aujourd’hui existe depuis au moins 1,7 milliards d’années.
Que s’est-il passé pour provoquer la perte d’une partie de l’atmosphère, puis des océans de Mars ? On ne le sait pas encore. Un « événement dramatique » s’est produit dans l’histoire martienne, et il nous reste à découvrir lequel, et le moment où il s’est produit.
La sonde Maven va apporter des réponses
La sonde Maven, qui va se mettre en orbite autour de Mars à la mi-septembre, est conçue pour prendre des mesures détaillées de l’atmosphère martienne, avec pour but de savoir comment et à quelle vitesse Mars perd aujourd’hui ses gaz atmosphériques dans l’espace. De telles mesures pourront permettre de créer des modèles de l’atmosphère martienne, et de connaître ensuite la manière dont les changements climatiques se sont produits dans l’histoire de cette planète.
Les mesures de Maven pourront également confirmer (ou infirmer) certaines des conclusions issues de l’étude des zircons de « Black Beauty ».
Le zircon, c’est comme un calendrier minéral
Le secret de l’utilisation du zircon réside dans le fait que l’oxygène est un élément qui possède trois isotopes (atomes qui ne diffèrent que par leur nombre de neutrons). L’oxygène présent dans l’atmosphère de Mars s’est réparti dans le dioxyde de carbone, le gaz oxygène proprement dit, et l’ozone. Il est aussi présent dans l’eau (éventuelle) et dans les rochers. Les rayons ultraviolets du soleil provoquent des variations uniques dans les proportions des trois isotopes d’oxygène dans les différents gaz de l’atmosphère, mais lorsque Mars avait une atmosphère dense, elle filtrait ces rayons, empêchant ces variations.
Lorsque la vapeur d’eau recyclée dans l’atmosphère martienne se condense dans le sol, elle interagit avec les zircons, échangeant des isotopes d’oxygène avec lui, ce qui revient à écrire la chronique du climat dans ces morceaux de rocher. Les scientifiques ont donc mesuré les proportions des trois isotopes d’oxygène dans les zircons, ce qui leur a permis d’avoir un « enregistrement isotopique des changements de l’atmosphère, avec des dates dessus ».
Vision de Mars au fil du temps
Dans le cadre de son programme Maven, la Nasa a réalisé une vidéo artistique des changements climatiques survenus sur Mars.
(Crédits : Michael Lentz / NASA Goddard Conceptual Image Lab)
Le blog de Jean-Paul Fritz sur le site du « Nouvel Obs » : Chroniques de l’Espace-Temps
Source Article from http://tempsreel.nouvelobs.com/sciences/20140828.OBS7473/la-mysterieuse-disparition-de-l-eau-sur-mars-il-y-a-1-7-milliards-d-annees.html
Source : Gros plan – Google Actualités