La consommation de boissons dites « énergisantes » n’est pas anodine : les autorités sanitaires recommandent aujourd’hui d’éviter d’en boire avec de l’alcool ou lors d’un exercice physique. Les données communiquées ce jour par l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) confirment pourtant une forte consommation de ces boissons, à tous les âges et à toutes les occasions, comme le suggèrent les slogans promotionnels (sport, conduite, études, travail, jeux nocturnes sur Internet, loisirs…).
Les marques des boissons « énergisantes » remplacent celles du tabac dans le sponsoring des sports « à risque » et autres aventures : Formule 1, rallye, plongeon libre, tout ce qui va vite et fort, tout ce qui repousse les limites est bon pour elles. Elles véhiculent l’image des nouveaux héros, dans tous les plis de la culture de l’extrême, du saut dans le vide de 39 km fait par un sportif autrichien aux courses dans la boue et récupèrent une part du prestige de la potion magique.
Cet engouement pour « un surplus d’énergie », plus que pour la récupération ou l’entraînement, en phase avec l’idée de performance rapide et de compétitivité absolue, se retrouve dans d’autres pratiques de consommation des jeunes, souvent en association avec l’alcool. Des marques se sont spécialisées sur ce segment, celui de la nuit, de la fête à n’en plus pouvoir, d’une autre fatigue que l’on repousse ou dont on repousse la perception sous l’effet « boost » de la boisson, la canette !
Consommées parfois dès le plus jeune âge, dans une logique d’adaptation à du « toujours plus », elles font, avec d’autres tendances de notre époque, le lit d’une quête d’être à la hauteur, d’un nouveau supplément d’âme, qui se poursuit dans les substances, du marché licite ou illicite, dans un goût de la vitesse, de l’intense dont elles ne sont pas responsables, mais dont elles profitent.
Au-delà des statuts légaux – auxquels échappent ces boissons – et/ou des effets modificateurs d’état de conscience, promouvoir et favoriser les compétences personnelles permettant de s’adapter aux contraintes de la vie doit rester une priorité de l’action éducative.
Pour cela, il nous faut repenser la place de ces boissons : vendues souvent à côté des alcools, parées par le marketing de toutes les vertus, elles sont un des symboles d’une culture de la performance magique qu’il n’est pas inutile de contenir. Certains rêvent de les interdire aux mineurs, d’autres auraient aimé jouer sur le prix, en instaurant une taxe, pour d’autres, enfin, il est temps de limiter le discours publicitaire et les stratégies marketing.
Le succès de ces boissons est un élément de plus qui illustre le décalage de nos politiques, tournant en rond entre une culture de la prohibition des drogues dites « illégales », qui fait de l’interdit pénal l’alpha et l’oméga de la protection du faible, de l’enfant, et l’injonction à un libre marché, une libre circulation des biens, qui voit dans toute limite posée à la consommation une insoutenable entrave au génie créateur de l’industriel et à la liberté du commerce.
Il ne s’agit pas pour nous de faire de ces boissons un diable absolu. Louis Mathiot, qui travaille sur les questions de consommation des adolescents, souligne à la fois le lien entre ces consommations, le binge driking, d’autres pratiques d’abus et le fait qu’elles ne concernent que des sous-groupes d’adolescents.
Celles et ceux que ces questions interrogent, au-delà des effets de tribune, réclament l’ouverture d’un débat public qui aiderait à les partager avec l’ensemble de nos concitoyens. Le succès de ces boissons, le développement éclair de l’e-cigarette, l’apparition des « legal-high » (produits à effets secondaires dont l’usage est légal) sont autant de signes à la fois différents et convergents qui invitent à repenser l’organisation de nos réponses.
Source Article from http://drogues.blog.lemonde.fr/2013/10/01/boissons-energisantes-la-defonce-en-super-marche/
Source : Gros plan – Google Actualités