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Loi El Khomri : pourquoi faciliter les licenciements peut favoriser l’emploi – Le Point

 

L’Unef enrôle les étudiants contre la réforme du Code du travail le 9 mars. La mobilisation du syndicat étudiant de gauche, antichambre du PS, fait craindre au gouvernement une coagulation des oppositions, alors qu’une pétition pour réclamer son retrait avait déjà récolté près de 900 000 signatures, fût-ce en s’autorisant des approximations sur le contenu réel de la réforme.

Pourtant, le projet de loi de Myriam El Khomri, la ministre du Travail, ne tombe pas du ciel. Il tente d’apporter une réponse à des blocages à l’emploi bien français relevés aussi bien par l’OCDE que par la Commission européenne ou le FMI. Et pourrait d’abord profiter aux jeunes.

Une législation qui décourage l’emploi stable

Que nous disent, globalement, les experts de ces organisations ? Que « la législation de la protection de l’emploi, relativement restrictive par rapport aux autres pays de l’OCDE, décourage l’embauche en postes stables et contribue à la segmentation du marché du travail et à la faible mobilité du travail », comme le résume l’OCDE.

En clair, les jeunes et les moins qualifiés souffrent particulièrement d’une surprotection de l’emploi. C’est un paradoxe pour certains, la protection de l’emploi attachée aux CDI peut décourager les embauches en contrats à durée indéterminée, voire tout recrutement, nous disent les organisations internationales. D’ailleurs, plus de 84 % des embauches se font aujourd’hui en CDD alors que ce type de contrat est plus taxé que le CDI (en stock, neuf emplois sur dix restent toutefois des CDI). Pour inverser les choses, « il faudrait simplifier et raccourcir les procédures de licenciement, en particulier pour les CDI », recommandait donc l’organisation internationale dans sa dernière étude économique sur la France de mars 2015.

Des progrès insuffisants

Le gouvernement a déjà agi dans le sens recommandé par les organisations internationales. L’OCDE a même fait l’éloge de certaines mesures. C’est le cas de la simplification, en 2013, des procédures de licenciements collectifs pour les entreprises en difficulté économique. Comme le rappelle l’organisation, qui compare les politiques menées par ses 34 membres, « depuis cette réforme, la part des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) – les licenciements collectifs, NDLR – faisant l’objet d’un recours a diminué de 25 % à 8 % grâce à un renforcement de la négociation dans les entreprises ».

L’autre avancée saluée « vers une plus grande flexisécurité » réside dans les accords de sécurisation de l’emploi qui permettent aux entreprises connaissant de graves difficultés économiques de renégocier salaires et temps de travail temporairement, le temps de faire face à la situation délicate.

Des accords de maintien de l’emploi offensifs

Mais l’insignifiance du nombre de ces accords (10) qui permettent aux entreprises de traverser une mauvaise passe tout en limitant le nombre de licenciements, en raison de conditions de signature trop restrictives, a poussé le gouvernement à vouloir élargir leur utilisation. Ils pourront désormais être conclus « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi » (article 13). En clair, plus besoin de justifier de graves difficultés économiques. Mais, contrairement à ce qu’affirme la pétition contre le projet de loi El Khomri, le salaire mensuel ne pourra pas dans ce cas être revu à la baisse.

En revanche, un salarié ne pourra s’opposer à la modification de son contrat de travail, sauf à être licencié sans possibilité de toucher les indemnités légales et conventionnelles attachées à un licenciement économique. Et ce, pour éviter que certains salariés précieux ne passent directement chez un concurrent en profitant d’un pactole de départ. Une évolution conforme aux demandes formulées par l’Union européenne en juillet 2015.

Un plafond d’indemnités aux prud’hommes

La loi Macron a permis de franchir une première étape pour « simplifier et raccourcir les procédures de licenciement », en accélérant le fonctionnement de la justice prud’homale, comme le recommandait l’OCDE. Mais l’idée est aussi d’augmenter la « prévisibilité » des décisions des juges. C’est pourquoi la loi remet sur le métier le plafonnement des indemnités accordées en cas de licenciement jugé abusif, une mesure de la loi Macron censurée par le Conseil constitutionnel parce que ce plafond variait selon la taille de l’entreprise.

Certains juristes spécialisés dans le droit du travail, comme le bâtonnier de Paris, y voient une autorisation pour l’employeur de licencier sans raison, c’est-à-dire sans la « cause réelle et sérieuse » prévue par loi. Mais licencier coûtera toujours de l’argent à l’employeur, ce qu’il ne fait en général pas par plaisir. Pour l’instant, le plafond a été fixé à 15 mois de salaire pour 20 ans d’ancienneté, un niveau dont le gouvernement est maintenant prêt à discuter.

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D’autres craignent toutefois que les contentieux ne diminuent pas puisque le plafond ne concerne légitimement pas les cas de harcèlement. De quoi permettre aux bons avocats de s’engouffrer dans la brèche et contester le licenciement pour ce motif.

L’abandon du « contrat unique »

Mais, bien conçue, une telle réforme « renforcerait la sécurité juridique des employés et employeurs et la réduction des coûts de licenciement qui en résulterait aurait des effets positifs sur l’emploi. […] Cela pourrait permettre une plus grande flexibilité des CDI, dont les coûts de licenciement, incluant les coûts de procédures juridiques, sont bien supérieurs aux CDD », expliquait l’OCDE, avant l’adoption de la loi Macron.

L’organisation internationale recommandait même « une autre option ambitieuse » : la mise en place d’« un contrat unique avec les mêmes coûts et les mêmes procédures de résiliation applicables à tous les contrats [CDD et CDI, NDLR]. De tels contrats seraient de durée indéterminée, en contrepartie de quoi les licenciements seraient facilités avec des indemnités calculées selon l’ancienneté, comme actuellement pour les CDI. » Une flexibilité accrue qui devait s’accompagner d’une protection élevée entre deux emplois (formation, allocations…). Mais le gouvernement n’a pas retenu cette piste, car elle était trop explosive. François Hollande a en effet promis de ne pas toucher aux contrats de travail.

Attirer les investisseurs étrangers

Dès lors, il a tenté d’obtenir le même résultat avec d’autres mesures. Manuel Valls et son gouvernement ont décidé au dernier moment de préciser et d’élargir dans la loi les causes qui permettent de procéder à des licenciements économiques. Il peut s’agir d’une baisse du chiffre d’affaires « pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente », « des pertes d’exploitations pendant plusieurs mois », « une importante dégradation de la trésorerie », ou « tout élément de nature à justifier » des difficultés économiques. Une dernière partie de phrase jugée beaucoup trop floue par les opposants au texte. D’autant que leur utilisation pourra aussi être justifiée par « des mutations technologiques » ou une réorganisation de l’entreprise « nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ». Le licenciement simple comme bonjour ? Nombre de juristes soulignent pourtant que ces motifs ne font que reprendre la jurisprudence actuelle pour la stabiliser dans la loi.

L’autre point de friction concerne le périmètre à retenir pour apprécier les difficultés économiques dans les grands groupes. Le texte veut le restreindre au niveau de l’entreprise. Cela signifie qu’un groupe en bonne santé au niveau global pourra tout de même procéder à des licenciements économiques dans l’Hexagone. Le gouvernement y voit un moyen d’attirer les investisseurs étrangers qui se plaignent de ne pas pouvoir réorganiser leur activité en France au prétexte qu’elle est florissante ailleurs.

Augmenter le temps de travail

Mais le texte prévoit surtout de laisser directions et salariés négocier l’organisation du temps de travail entreprise par entreprise, comme l’a recommandé l’Union européenne en 2015 (voir encadré), soit par accord avec les syndicats, soit par référendum décidé par une minorité syndicale. C’est déjà théoriquement le cas, notamment depuis la loi de Xavier Bertrand de 2008, mais le gouvernement veut clarifier les choses par la réécriture de cette partie du Code du travail afin d’encourager les entreprises à se saisir de cette possibilité.

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L’idée est clairement de contourner les 35 heures, qui « pèsent sur le coût de la main-d’œuvre », selon la Commission européenne. L’institution souligne que le surcoût moyen par heure supplémentaire atteint actuellement « 26 % environ, c’est-à-dire légèrement supérieur au taux de majoration légal (25 %) entre 36 et 43 heures hebdomadaires ». La majoration de salaire associée aux heures supplémentaires pourra désormais être négociée dans chaque entreprise et tomber à 10 %, sans que les branches puissent imposer un plancher de 25 % comme elles le peuvent aujourd’hui. Le gouvernement confirme aussi la possibilité pour les entreprises de recourir à un décompte du temps de travail par mois, voire par an, ce qui permet de déclencher les heures supplémentaires à partir de 1 607 heures sur l’année, et non plus après 35 heures chaque semaine.

L’objectif est clairement d’augmenter le temps de travail sans en augmenter les coûts en fonction du besoin des entreprises. Mais la possibilité pour les PME (un des points les plus controversés) de passer aux forfaits jours pour décompter le temps de travail par simple accord avec chaque salarié devrait être édulcorée, voire supprimée.

Pour mémoire, voici les recommandations sur le marché du travail adressées par l’UE en 2015.

Elle invitait la France « à réformer le droit du travail afin d’inciter davantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ; à faciliter, au niveau des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l’organisation du temps de travail ; à réformer la loi portant création des accords de maintien de l’emploi d’ici à la fin de 2015 en vue d’accroître leur utilisation par les entreprises ; à entreprendre une réforme du système d’assurance chômage afin d’en rétablir la viabilité budgétaire et d’encourager davantage le retour au travail.

Consultez notre dossier : Code du travail : la révolution impossible ?

Source Article from http://www.lepoint.fr/economie/loi-el-khomri-pourquoi-faciliter-les-licenciements-peut-favoriser-l-emploi-03-03-2016-2022550_28.php
Source : Gros plan – Google Actualités

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