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BarakaCity, l’ONG islamique qui dérange – Le Monde

Lors de la Rencontre annuelle des musulmans de France, au Bourget (Seine-Saint-Denis), le 3 avril 2015.C’est l’une des associations emblématiques de cet islam identitaire qui ont émergé en France ces quinze dernières années. BarakaCity, jeune organisation humanitaire musulmane à la popularité indéniable chez les jeunes, se trouve au centre d’une polémique après le passage de son président, Idriss Sihamedi, dans l’émission « Le Supplément » de Canal+, dimanche 24 janvier. Interrogé sur le point de savoir s’il condamnait l’organisation Etat islamique (EI), le président de BarakaCity a semblé vouloir éviter de répondre. « Ce n’est pas équitable, ce n’est pas juste, de me poser la question parce que je suis musulman », a-t-il affirmé avant de se dire « gêné de la question ». « C’est pas qu’on ne condamne pas l’Etat islamique, c’est qu’on essaie d’avoir une certaine pédagogie pour essayer de discuter avec les jeunes et pour leur faire comprendre qu’il y a une alternative qui est bien, qui est pacifique », a-t-il ajouté.

Aujourd’hui, le président de BarakaCity porte un regard acerbe sur ce moment de télé : « C’était un véritable traquenard », dit-il. Il pensait être interrogé sur Moussa, un membre de l’ONG arrêté et incarcéré le 22 décembre 2015 au Bangladesh où il effectuait des « repérages » pour venir en aide aux Rohingya, une minorité musulmane persécutée par le régime birman. « J’ai été sommé d’expliquer mes convictions religieuses, de prouver que j’étais quelqu’un de bien en trois minutes. Est-ce que je suis fiché “S”, d’où viennent nos fonds, est-ce que je cache les femmes, quelle est notre position vis-à-vis de l’EI ? Je n’étais pas du tout préparé à ce type de questions », assure l’humanitaire.

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Il dénonce un montage le faisant apparaître « dans une posture très intégriste, très islamiste, très exotique ». Ses propos sur les femmes auxquelles il ne serre pas la main ? « J’ai le droit, on est dans le pays de Charlie, pas en Chine, je n’ai rien fait d’illégal », se défend-il. Ses atermoiements sur l’Etat islamique ? « Je ne peux pas avoir un discours de G.I. Joe. Est-ce que BarakaCity a la même idéologie que l’Etat islamique ? Bien sûr que non, c’est absurde. Nous ne sommes pas des guerriers. Mais nous sommes présents dans les zones turco-syriennes, j’y ai vingt ambulances et un camion boulangerie qui sort du pain tous les jours. Si je condamne fermement, nous serons potentiellement une cible, en Syrie et même en France. »

Dimension islamique

Quoi qu’il en soit, le débat a atteint les très nombreux soutiens de l’ONG, qui dépassent la sphère de l’islam ultraorthodoxe. Sur le compte Facebook de l’ONG, « liké » par plus de 650 000 personnes, les commentaires s’accumulent depuis dimanche. Ce sont des témoignages de soutien, mais aussi des interrogations, voire des critiques.

Reda B. fait partie de ceux qui ont réagi. Cet éducateur de 37 ans, qui habite Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), est donateur depuis un an : « J’ai connu l’ONG par Internet, à travers ses actions au Mali, ça m’a touché. » La dimension islamique de BarakaCity lui plaît : « Matin, midi et soir, on tape sur les musulmans, à tort ou à raison. Il faut qu’on trouve un peu de réconfort au sein de notre communauté », justifie-t-il. Ce musulman pratiquant estime pourtant que le président de l’ONG a fait « une erreur » en se présentant sur le plateau de Canal+, auprès de « médias télévisuels [qui] cherchent à faire un coup », et que les propos du président de Baraka « n’ont pas été maîtrisés ». Samia, une étudiante en ressources humaines de 22 ans, juge aussi que « l’intervention du président de l’ONG était de mauvaise qualité », même si les questions qui lui étaient posées étaient « déplacées » à son sens.

La communication, c’est pourtant habituellement l’un des points forts de BarakaCity. « C’est mon métier », explique Idriss Sihamedi, qui s’est formé « sur le tas » en « étudiant les rapports de grosses boîtes comme Publicis ». Le jeune homme a fondé BarakaCity à 25 ans : « J’avais un savoir-faire, la capacité de collecter beaucoup d’argent à travers des techniques de communication, j’étais ambitieux. Je voulais m’épanouir dans l’humanitaire auprès des peuples qui vivent la guerre et l’oppression. »

« On est dans le feu de l’action »

En France, BarakaCity organise des maraudes parisiennes auprès de sans-abri ou, plus ponctuellement, prend en charge les frais de sépulture ou le rapatriement de corps de migrants décédés à Calais. Elle dit intervenir dans 22 pays, « principalement en Afrique », notamment auprès de musulmans persécutés. « En Syrie, en Egypte, en Palestine, au Bangladesh, en Birmanie, pourquoi l’islam ? », demande, en pleurs, un membre de l’ONG en mission en Centrafrique auprès des musulmans en exil, dans une vidéo de 2014. BarakaCity, relève le spécialiste Bernard Godard dans La Question musulmane en France (Fayard, 2015), est caractéristique de ces nouveaux acteurs de l’islam rigoriste qui « mélangent le registre humanitaire et ceux strictement religieux et purement identitaires ».

Samia, donatrice ponctuelle, a justement aimé pouvoir s’« identifier » à une association islamique dans laquelle elle reconnaît « des valeurs qui [lui] sont chères au quotidien ». Elle apprécie surtout d’être informée « en temps et en heure », via Facebook ou Twitter, ou la qualité des campagnes telles que « L’eau c’est la vie », en 2013, qui visait à réunir des fonds pendant le ramadan pour forer des puits au Togo, dans la province musulmane de Sokodé. Dans une vidéo d’appel au don et sur un fond musical religieux, des scènes de conversion, de largages de bombes, de révolution égyptienne précèdent celles où les membres de BarakaCity viennent en aide aux villageois. « On est dans le feu de l’action, on se sent vraiment concernés », apprécie Melissa Gorden, une assistante administrative de 25 ans, installée à Belfort.

« Nous sommes l’une des organisations islamiques les plus influentes et populaires de France », revendiquait l’ONG dimanche sur Facebook. Elle emploie vingt-deux salariés à son siège de Courcouronnes (Essonne). Elle ne lie pas de partenariats formels avec les grosses structures humanitaires françaises. Elle utilise parfois des méthodes qui ne correspondent pas au répertoire d’action communément partagé, telles les missions de repérage « clandestines » auprès des Rohingya.

16 millions d’euros de recettes

BarakaCity fait recette. Elle dit avoir reçu, depuis 2013, 16 millions d’euros. « 100 % de nos donateurs sont des particuliers », précise M. Sihamedi. Parmi les soutiens, des footballeurs de la Ligue 1 dont M. Sihamedi tait l’identité, mais aussi les rappeurs Rohff ou La Fouine. M. Sihamedi a beau rappeler que son bilan a été certifié conforme, les banques ne veulent pas de l’association. Depuis 2014, ses comptes « ont été fermés trois fois sans que cela soit lié à une procédure judiciaire, explique son avocat, Me Samim Bolaky. Cela relève du pouvoir discrétionnaire des établissements ».

« Sur le plan judiciaire, l’association est vierge », insiste Me Bolaky. Deux perquisitions dans les locaux de BarakaCity n’ont pas permis à la police de relever d’infraction. L’une, en février 2015, faisait suite à l’usage non réglementaire d’un drone, à proximité des locaux de l’association, destiné à filmer le départ d’un convoi d’ambulances pour la Syrie. La seconde a eu lieu dans le cadre de l’état d’urgence. Pour le ministère de l’intérieur, BarakaCity est « une association sous surveillance », compte tenu de son profil idéologique et du fait qu’elle opére en Syrie.

Idriss Sihamedi est très offensif sur Twitter. Le discours du président de l’ONG, qui réfute l’étiquette de salafiste, y apparaît plus dur et plus politique. Avant de lancer la campagne #FreeMoussa, BarakaCity était particulièrement active sur la dénonciation des « abus » de l’état d’urgence, en association avec le Collectif contre l’islamophobie en France. La vidéo réalisée sur le sujet par l’ONG a été vue plus de 1,4 million de fois.

Baraka City : Moussa Ibn Yacoub reste en détention au Bangladesh

Moussa Ibn Yacoub, le Français membre de BarakaCity emprisonné au Bangladesh depuis le 22 décembre 2015 pour « activités suspectes », reste en détention dans l’attente de son procès. Le jeune homme attendait de savoir si sa demande de libération sous caution était acceptée, mercredi 27 janvier. Sa libération a été refusée par la justice du Bangladesh.

La libération de son guide mardi « laissait pourtant présager une bonne nouvelle. La justice bangladaise en a décidé autrement, prétextant craindre que Moussa quitte le pays avant la tenue d’un jugement prévu courant avril », indique le comité de soutien de Moussa, dont la demande de libération sous caution avait déjà été rejetée mi-janvier.

Le jeune homme de 28 ans, originaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), est poursuivi pour utilisation d’une identité – son nom d’usage musulman – différente de son état civil, Puemo Maxime Tchantchuing. Il lui est aussi reproché de ne pas avoir déclaré ses activités aux autorités.

Moussa réalisait au Bangladesh un « état des lieux » sur la situation des réfugiés Rohingya, une minorité musulmane persécutée en Birmanie. Son incarcération a entraîné une large mobilisation sur Internet où une pétition #FreeMoussa, lancée à Noël sur le site de l’ONG, a recueilli plus de 435 000 signatures.

Source Article from http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/27/barakacity-l-ong-islamique-qui-derange_4854446_3224.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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