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Michel Galabru, de la Comédie-Française à la comédie française – Le Monde

Dans la galerie des acteurs qui ont donné leur corps (et ipso facto leur âme) au cinéma comique et populaire français, Michel Galabru tenait à sa manière deux touches complémentaires : une touche régionaliste bien frappée (tendance provençale, quelque part entre Raimu, Fernandel et Paul Préboist) et une inclination à l’hénaurme (tendance roublardise ahurie). Les deux réunis ont donné une carrière pléthorique, pour ne pas dire stakhanoviste, souvent asservie aux seconds rôles, mais riche d’un talent qui tombait comme la foudre, mâtiné de science et d’étrangeté.

Voilà pour la typologie, de laquelle il faudra évidemment s’éloigner pour toucher plus juste, en évitant de réduire l’acteur à son personnage, et son genre de prédilection à l’ensemble de sa carrière. Rassasié de jours (93 ans), de films et de téléfilms (plus de deux cents) et de pièces de théâtre (à peu près une par an depuis 1950), Michel Galabru est mort le lundi 4 janvier à l’aube, dans son sommeil, comme l’a précisé sa famille – signe des bienheureux.

Le théâtre, sa grande passion

Il était né le 27 octobre 1922 à Safi, au Maroc, où il passa les premières années de sa jeunesse au titre de fils d’un ingénieur des Ponts et Chaussées qui y travaillait. Le retour en France se déroule dans le terreau familial de l’Hérault. Elève assez médiocre, s’il faut en croire ses dires, de diverses institutions religieuses, il se destine au football, puis à la carrière de comédien, avant que l’Occupation ne se saisisse de lui, sous la forme du Service du travail obligatoire, qui l’envoie occuper utilement ses jours en Autriche puis en Yougoslavie. Si ce n’est Tito, du moins ses partisans, le tirent de ce pas fâcheux.

Le théâtre, qui restera sa grande passion, l’appelle en premier : sorti avec un premier prix du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, il est engagé à la Comédie-Française en 1950. Michel Galabru est resté sept ans dans la troupe, où il a beaucoup joué Shakespeare et Molière, mais aussi Courteline, Feydeau, Victorien Sardou et Musset. Quand il s’en va, en 1957, il s’est taillé un costume d’acteur populaire.

Il y jouera cependant sans discontinuer. La dernière fois, en 2015, ce fut pour raconter ses souvenirs. Il était seul en scène et le spectacle s’appelait Le Cancre. En tout honneur, on ne saurait trouver meilleure épitaphe à une carrière qui n’a pas été à la hauteur du talent du comédien.

Michel Galabru en 1977 .

Pendant cinquante ans, au rythme d’une pièce par an, Michel Galabru va creuser le sillon de la comédie et de la farce, pour le meilleur et pour le pire. Goldoni et Pagnol sont ses auteurs de prédilection. De ce dernier, il joue deux fois La Femme du boulanger : sous la direction de Jérôme Savary (en 1985) et sous la sienne propre, en 1998. Certes, il en faisait beaucoup, comme on dit, dans le rôle d’Aimable Castanier pétrissant son pain de douleur. Mais quand il arrivait au fameux monologue où le boulanger s’adresse à sa chatte Pomponette, il était capable d’une finesse extraordinaire, apte à tirer des larmes.

Michel Galabru avait tout pour être un grand acteur, et il le fut parfois. Mais il allait la plupart du temps dans le sens de son public, qui venait le voir comme on va à la corrida. Un soir de 1988 qu’il jouait A ta santé, Dorothée, une pièce totalement stupide de Remo Forlani, on a vu le public l’encourager à hausser le ton, en lançant des « olé », de la salle. Michel Galabru a répondu à la demande : on le voulait histrion, il le fut, non sans un plaisir gourmand… et une certaine mélancolie.

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Figure incontournable de la comédie française

Le cinéma, art populaire par excellence, accuse naturellement cette inflexion. Il y débute dès 1951 avec un titre de Jean Devaivre – Ma femme, ma vache et moi – qui le propulse d’emblée sur cette ligne mi-épaisse, mi-madrée, rondement farcesque, qu’il fera sienne. Après le succès de La Guerre des boutons, d’Yves Robert, dans lequel il incarne le père d’un des jeunes protagonistes, c’est la célébrissime série des « Gendarmes » (six films réalisés de 1964 à 1982 par Jean Girault) qui lui vaut sa reconnaissance par le grand public, dans le rôle de l’adjudant Gerber, summum d’incompétence et de balourdise. Il y interprète – aux côtés de Michel Modo, Guy Grosso, Jean Lefebvre et Christian Marin, l’un des membres de cette grotesque brigade qui passe le plus clair de son temps à chasser les nudistes (heureuse époque !), et qui est emmenée, au sens hiérarchique et artistique du terme, par l’inénarrable Louis de Funès, qui y incarne le maréchal des logis chef Cruchot. A partir de là, Michel Galabru devient, le plus souvent au titre de second rôle d’exception, une figure incontournable de la comédie française, trempant avec sa bonhomie retorse dans à peu près tout ce que le cinéma français va entreprendre durant trois décennies pour faire rire le bon peuple de France.

Michel Galabru en 1987.

On le croise ainsi, pour citer les occurrences les plus mémorables – mais qui parlera jamais de Poussez pas grand-père dans les cactus, de Jean-Claude Dague, ou du Plumard en folie, de Jacques Lamoine ? – sous les traits de Louis Galipeau, abominable médecin du Viager (1971), de Pierre Tchernia, en endetté cauteleux dans L’Ibis rouge (1975), de Jean-Pierre Mocky, en député et père d’un drôle d’oiseau dans La Cage aux folles (1978), d’Edouard Molinaro, en commissaire de police dans Les Sous-doués (1980), de Claude Zidi, en ancêtre de la famille Bourdelle dans Papy fait de la résistance, de Jean-Marie Poiré, en Monglat l’infâme, roi du marché noir dans Uranus (1990), de Claude Berri, ou en ministre de l’éducation dans Le Petit Nicolas (2009), de Laurent Tirard. L’une de ses plus géniales apparitions (à peine deux minutes montre en main) restera assurément celle de Bienvenue chez les Ch’tis (2008), de Dany Boon, où filmé en gros plan, le visage dans la pénombre, la mine inquiétante et l’accent chantant, il affranchit le facteur Kad Merad qui vient d’être muté dans le Nord sur l’horreur sans nom qui l’attend chez les « cheuteumis ».

Truculence, rondeur, épicurisme, couardise, paillardise : derrière ce registre de farce populaire et d’extrême lisibilité des comportements, quelque chose d’inquiétant caractérisait toutefois, de loin en loin, Michel Galabru. Quand la mécanique se faisait jour sous le vivant, quand les répétitions de phrases se mettaient soudain à grincer, quand l’inflexion de sa voix vrillait dans les aigus, quand l’accentuation d’un gag confinait au malaise. Par un étonnant paradoxe, c’est peut-être le plus célèbre parmi ses « sérieux » – celui qui lui valut le César du meilleur acteur en 1977 – qui nous murmure à l’oreille cette vérité profonde. On parle du Juge et l’Assassin, de Bertrand Tavernier. Il interprète dans ce film Joseph Bouvier, un ancien sergent d’infanterie anarchisant réformé pour ses crises de violence, qui tourne serial killer, au côté de Philippe Noiret, un juge bien décidé à obtenir sa tête. Derrière cette histoire atroce qui oppose deux personnages de classes sociales différentes, une dimension implicite du registre ordinaire de Michel Galabru est subtilement mise en valeur par Bertrand Tavernier : celle de l’irréductibilité et de la monstruosité populaires, qui vaut aussi bien dans le carnage que dans le rire. Que ce soit au théâtre ou au cinéma, Michel Galabru, qui n’en était pas dupe, jouait ce registre, tel un fauve pris à son propre piège. Voilà ce qui, de lui, reste inoubliable.

Source Article from http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/01/04/mort-du-comedien-michel-galabru_4841372_3382.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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