Le « no » a été entendu ; Cameron, qui a dû manger son chapeau, en tire les conséquences. Pénibles. Le vote historique, intervenu jeudi soir aux Communes, n’a pas fini d’avoir des répercussions. Il n’a fait qu’éloigner une résolution de la crise syrienne et c’est peut-être la plus importante d’entre elles. La « relation spéciale » entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis en a aussi pris un coup. Sans parler de la place de la Grande-Bretagne sur la scène internationale. Mais surtout, l’ombre de Tony Blair au moment de la guerre en Irak, il y a dix ans, plane sur le rejet de la motion sur une intervention militaire en Syrie. Le pays, semble-t-il, n’a pas oublié les fausses preuves d’armes de destruction massives, clandestinement détenues par Saddam Hussein, avancées par Londres et Washington; l’ONU court-circuitée et l’embrasement qui a suivi. Par treize voix (285 contre 272) décisives, les députés britanniques, qui répondent à longueur d’année aux questions des familles endeuillées par le conflit, ont fait passer le message.
« La réponse aux horreurs syriennes ? Pas notre problème ! »
Le résultat du vote de jeudi soir est aussi un symptôme de la faiblesse de la position de David Cameron dans ses propres rangs, qu’il n’a pas su convaincre et rallier. Ce qu’il avait pourtant su faire au moment de l’action, aux côtés de la France, en Libye. Son autorité est entamée. Au total, ce sont 30 députés conservateurs qui lui ont refusé aujourd’hui leur soutien, préférant faire bloc avec le camp travailliste. Cameron a sans doute pêché par excès de confiance, alors qu’il apparaissait pourtant dès la veille que l’opposition n’était pas prête à une union sacrée sans garanties sur le sujet. Les experts tenaient eux-aussi le vote pour acquis. Le résultat a pris les commentateurs politiques les plus chevronnés par surprise, tant la motion, sous la pression de Ed Miliband, le leader de l’opposition, avait été édulcorée. Il s’agissait seulement de s’entendre sur le « principe » d’une intervention, « si nécessaire ». Un autre vote devant intervenir plus tard. Depuis 2010, David Cameron a en effet promis au parlement un veto en cas d’engagement militaire dans un conflit.
Après celui sur la Syrie, de vieux animaux politiques tel Paddy Ashdown, l’ancien leader du parti libéral-démocrate et ex-haut représentant de l’ONU en Bosnie, n’ont pas mâché leurs mots pour dire leur déception. « Nous avons un pays grandement diminué ce matin. Les députés se sont réjouis hier soir. Assad, Putin se réjouissent ce matin. Farage (Nigel) aussi tandis que nous plongeons dans l’isolationnisme », a écrit Lord Ashdown sur son compte Twitter. »En cinquante ans au service de mon pays, je ne me suis jamais senti aussi déprimé/honteux. La réponse de la Grande-Bretagne aux horreurs syriennes ? Pas notre problème ! »
Marie-Hélène Martin – Correspondante du Nouvel Observateur à Londres
Source Article from http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-en-syrie/20130830.OBS5063/syrie-ce-no-britannique-qui-a-surpris-tout-le-monde.html
Source : Gros plan – Google Actualités