voyance gratuite

"Les militaires cherchent à forcer la main d’Obama" – Le Nouvel Observateur

L’intervention internationale en Syrie menée par les Etats-Unis se fait attendre et l’imminence d’une telle opération n’est plus à l’ordre du jour. Les discussions à la Maison Blanche vont cependant bon train pour élaborer un contexte favorable à Barack Obama. De nombreux élus, parmi eux des démocrates, demandent des éclaircissements quant à la stratégie globale d’une action militaire. Certains souhaiteraient une approbation du Congrès avant d’agir. Le président américain a notamment consulté jeudi 15 parlementaires lors d’un briefing. Barack Obama joue une partie serrée sur la scène intérieure. Erwan Legadec, professeur associé en questions internationales à l’université Georges Washington (Washington DC) et professeur à l’institut Johns Hopkins, explique pourquoi.

Pourquoi Barack Obama a voulu retarder une action militaire qui semblait imminente ?

– Dans une telle situation, il y a toujours un risque de cacophonie et d’emballement dû aux différents canaux de pouvoir à Washington et leurs rythmes respectifs. En l’occurrence, c’est le canal du Pentagone, où les militaires ont toujours un plan clé en main sous le bras, contre le canal politique ; les premiers tentant d’acculer les seconds à l’action en fuitant le fait accompli de l’action imminente.

Le Congrès ne fait pas vraiment pression mais de la prudence a été demandée par les membres démocrates de la chambre vulnérables en 2014, membres sur lesquels Obama n’a que peu d’influence vu son statut imminent de « canard boîteux ».

Au sein même de son administration, y a t-il des divergences de points de vue ?

– Il est intéressant de constater que la nouvelle équipe de sécurité nationale de Barack Obama cherche ses équilibres. Il y a de fortes personnalités à tendance indépendante comme John Kerry et Chuck Hagel que Susan Rice va avoir autant de mal à coordonner depuis le Conseil de sécurité nationale (NS) que Condoleezza Rice face aux éléphants Donald Rumsfeld et Colin Powell en son temps. C’est le risque de nommer une fidèle parmi les fidèles au NSC, qui précisément du fait de cette fidélité n’a pas la crédibilité pour arbitrer entre le ministère de la Défense (DoD) et le département d’Etat (DoS).

Le profil de Chuck Hagel, sénateur anti-guerre d’Irak le plus éminent en 2002-2003, et la proximité de son expérience personnelle du Vietnam avec l’ancien opposant à la guerre John Kerry sont intéressants. Les deux sont, ou en tout cas ont été, les théoriciens les plus convaincants du risque d’enclencher une guerre sans en connaître les conséquences ultimes, et sans stratégie cohérente.

Ajoutons Samantha Power, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu et son credo du « Problem From Hell », une étude sur l’attitude des Etats-Unis face aux crimes de génocide, et qui est pro-intervention face aux génocides, mais dans le cadre de la légalité internationale.

A mon sens nous voici, à petite échelle, devant un bis repetita de l’ExComm de Kennedy, dans lequel des groupes d’influence en particulier militaires cherchent à forcer la main du président, tandis que les politiques sont contre la précipitation. Robert Francis Kennedy (le frère du président) avait pu arbitrer cette tension ; Susan Rice ne le pourra pas. En son temps, JFK s’était assuré d’inclure dans le groupe des vétérans des administrations et générations précédentes, comme Dean Acheson, afin de produire une décision véritablement « nationale ». Barack Obama peut difficilement faire appel aux néoconservateurs discrédités !

JFK avait également pu utiliser à son profit le « bully pulpit » (capacité d’influence du président) lors d’une intervention télévisée « à l’ancienne » auprès du public américain et international, ce que Barack Obama ne peut plus faire, du fait de l’éclatement des vecteurs médiatiques, pour produire un consensus national.

Alors que le Parlement britannique a rejeté la motion qui devait autoriser une action militaire, comment Barack Obama peut s’y prendre pour convaincre l’opinion publique ?

– La manoeuvre à l’ONU de l’ancien ambassadeur américain aux Nations-Unies du temps de la crise des missiles de Cuba, Adlai Stevenson, qui consista à montrer publiquement des photos des sites de missiles n’est plus possible en raison de la débâcle du discours de Colin Powell le 5 février 2003.

Sur le plan du droit international, les zones d’ombre du concept de la « responsabilité de protéger » refont surface : la priorité est-elle d’assister un Etat défaillant ou de le punir ? Comment éviter la dévolution de la souveraineté de l’Etat défaillant vers la communauté internationale qui entraînerait des soupçons de néocolonialisme, en particulier pour la France ? Est-il possible de véritablement protéger les civils sans produire de changement de régime (l’exemple de la Libye et du glissement de la mission est un précédent) ?

Reste encore la possibilité d’engager l’Otan ?

– L’Otan a pu produire une mission en Libye sous son drapeau alors que seuls 8 alliés étaient véritablement engagés, les autres ont usé de ce que j’appelle « l’abstention constructive ». Mais l’organisation ne peut pas accepter de nouveau la répétition d’un système à deux vitesses.

Tout aussi passionnant est le fait que les grandes puissances ne peuvent manifestement plus opérer de « wars by proxy » [guerre par procuration en soutenant indirectement d’autres puissances ou groupes militaires, NDLR] à la mode Guerre Froide, puisque les mouvements rebelles ne sont plus politiques et nationaux mais idéologiques et globalisés: une guerre par procuration déborde forcement de ses frontières, et ne laisse plus les marionnettistes se tester mutuellement sans crainte d’une contagion.

 

Propos recueillis le 30 août 2013 par Sarah Diffalah

Source Article from http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-en-syrie/20130830.OBS5015/syrie-les-militaires-cherchent-a-forcer-la-main-d-obama.html
Source : Gros plan – Google Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

tarot gratuit
Appel sans CB