Les départements tests concernés par l’expérimentation de la révision des valeurs locatives sont les départements de Charente-Maritime, du Nord, de l’Orne, de Paris et du Val-de-Marne, d’après un arrêté publié au Journal officiel du 26 décembre 2014. Cette expérimentation est d’une plus grande ampleur puisqu’elle concernerait 46 millions de rôles d’imposition relevant des ménages contre 3 millions de locaux professionnels dans la précédente expérimentation.
Pourquoi une révision ?
Les valeurs locatives cadastrales servent d’assiette aux impôts directs locaux : taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et non bâties, taxe d’habitation (TH) et cotisation foncière des entreprises (CFE). Elles ont aussi un impact direct sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la taxe sur les friches commerciales et sur la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
La valeur locative est censée représenter le loyer théorique du logement s’il était loué aux conditions normales du marché. Or, les valeurs actuellement utilisées ont été déterminées selon une méthode d’évaluation complexe qui faisait référence au marché locatif de 1970.
Depuis cette date, elles sont revalorisées chaque année par application d’un coefficient unique décidé par la loi de finances (1,009 pour 2015) qui ne tient pas compte des disparités locales. Au fil du temps, ces valeurs se sont donc peu à peu éloignées de la réalité du marché locatif.
Des évaluations obsolètes
La révision générale des valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties prévue, tous les six ans, par l’article 1516 du code général des impôts, n’a jamais eu lieu. La tentative engagée par la loi du 30 juillet 1990 s’est soldée par un échec. La dernière révision générale des bases date de 1970 pour le foncier bâti et de 1960 pour le foncier non bâti.
L’inéquité fiscale
Elle favorise l’inéquité fiscale et induit des transferts de charges importants entre contribuables. Les injustices résultant de l’ancienneté des évaluations sont renforcées par les lacunes de la mise à jour de l’assiette physique. Les habitants de logements neufs sont ainsi pénalisés dans le dispositif actuel.
Une valorisation actuelle complexe
La valeur locative actuelle est pondérée par différents critères qui rendent le dispositif relativement complexe : les jouissances annexes (c’est-à-dire la surface des dépendances), les éléments de situation (l’état d’entretien de l’habitation), l’ajout forfaitaire de mètres carréspour prendre en compte les « éléments de confort » de l’habitat, la catégorie du logement rendent peu lisible le dispositif actuel.
Le périmètre de l’expérimentation
Sont concernés les propriétaires dont le logement est mis en location (mais pas les propriétaires occupants), et les institutionnels (collectivités locales, org. HLM…). Chaque propriétaire, bailleur d’un ou de plusieurs locaux d’habitation, d’un des départements pilote, doit recevoir une déclaration papier ou internet à remplir :
les propriétaires de un à quatre locaux mis en location doivent recevoir des déclarations par La Poste, accompagnées d’une notice (début d’envoi le 17 février). Elles seront à retourner avant le 10 avril 2015.
pour les propriétaires de cinq locaux et plus, il s’agira de télédéclarations à renvoyer avant le 17 avril 2015.
Chaque propriétaire devra déclarer, pour chaque local loué, la nature du local loué (maison, appartement), sa surface et le montant du loyer. Les résultats de ces calculs seront présentés dans un rapport remis au Parlement à l’automne.
Objectifs de l’expérimentation
L’expérimentation consiste à faire une photographie du parc et une collecte d’informations auprès des propriétaires. Il s’agit d’identifier, sur un panel représentatif, les loyers pratiqués pour la location de tous les types de locaux d’habitation (privatifs, collectifs, privés, à vocation sociale) dans différents secteurs géographiques (urbain, rural, touristique…) avec pour seule finalité l’étude statistique. Aucune mise à jour des bases fiscales actuelles n’en découlera.
Les grandes étapes :
La campagne déclarative, de fin-février à avril 2015.
Transmission au plus tard le 30 septembre 2015 d’un rapport par le gouvernement au Parlement retraçant les conséquences de l’expérimentation pour mesurer les transferts de fiscalité entre catégories de contribuables et l’impact de la révision sur le potentiel financier et fiscal des collectivités territoriales, la répartition des dotations de l’État et les instruments de péréquation. Ce rapport permettra de juger de l’opportunité de la mise en œuvre effective d’une réforme et, le cas échéant, d’ajuster si nécessaire les modalités de la révision avant qu’elle soit mise en œuvre.
Le gouvernement décidera ensuite d’étendre cette réforme à l’ensemble du territoire. Ces travaux pourraient démarrer en 2016 et s’étaler sur 2017. Si ces délais sont respectés, la révision des valeurs locatives pourrait, au plus tôt, être intégrée aux avis d’imposition envoyés à l’automne 2018. Concrètement, si elle est adoptée, la réforme ne s’appliquera pas avant 2018/2019 sur la feuille d’impôt.
Une communication officielle est prévue par la DGFIP dans la presse nationale et locale (pour les départements concernés). Elle assurera également une « hot line » pour répondre aux demandes des habitants.
Toutefois, au cas où des sollicitations ou questions seraient posées en mairie, il est suggéré aux collectivités concernées de préparer leur personnel en lien avec les habitants à d’éventuelles interpellations (accueil de l’hôtel de ville, mairies de quartier) afin de diffuser un message rassurant de premier niveau. Les questions plus complexes pourront être orientées vers le service fiscalité de la collectivité.
Les principes de la révision
La valeur locative sera déterminée en fonction de l’état du marché locatif qui tient compte de la nature, de la situation et de la consistance de la propriété.
Les propriétés seront classées en quatre groupes (remplaçant les huit catégories actuelles) :
appartements situés dans les immeubles collectifs et leurs dépendances ;
maisons individuelles et leurs dépendances ;
locaux d’habitation qui présentent un caractère exceptionnel ;
dépendances isolées.
Dans chaque département seraient constitués un ou plusieurs secteurs d’évaluation.
Calcul de la valeur locative cadastrale
Toute référence au principe des « équivalences superficielles » a été supprimée. En vertu de ce principe, la surface prise comme base de calcul était majorée selon l’équipement : une baignoire équivalait à 5 m² supplémentaires, une douche à 4 m² ou un vide-ordures à 3 m²…
Désormais, sera appliqué un tarif au mètre carré, déterminé à partir des loyers déclarés par les propriétaires dans chaque secteur d’évaluation par catégorie de propriétés. Il sera différent selon qu’il s’agit d’une maison individuelle, appartement, bien exceptionnel (château, monastère…), dépendances isolées (piscines, courts de tennis, abris de jardin).
Les critères suivants interviendraient dans la détermination du tarif : caractère social ou privé du logement ; nature du local (individuel ou collectif, dépendances ou pas) ; date d’achèvement du local ; état d’entretien du local ; surfaces principales et annexes ; secteur géographique.
Un système complexe de neutralisation
Un coefficient de neutralisation permet de garantir la neutralité budgétaire pour chaque collectivité et conserver la même pression fiscale entre ménages et entreprise. Le rapport entre le produit tiré des locaux professionnels et le produit tiré des locaux d’habitation reste identique tant que les valeurs de ceux-ci n’ont pas été révisées. Le mécanisme recalcule des valeurs locatives pour les locaux professionnels en vue de l’ajustement. Le système sera complexe pour le contribuable puisque plusieurs valeurs recalculées coexisteront, pour un même local, en fonction du nombre de collectivités concernées (commune, EPCI, département).
La neutralisation par le recalcul des valeurs est présentée cependant comme préférable à une neutralisation par les taux des collectivités. Ce dispositif modérera les augmentations de cotisations pour les locaux professionnels. Mais l’AMGVF n’a pas manqué de souligner que la réforme actualise les cotisations au sein d’un territoire donné mais ne corrige pas les décalages entre territoires qui resteront figés à leur situation des années 1970. Elle préconise pour cela de faire démarrer la réforme des locaux professionnels, qui devait être effective en 2016, en même temps que celle des locaux d’habitation.
Par ailleurs, un lissage des variations de cotisations interviendra. Pour la taxe foncière, le lissage se fera sur une durée de cinq années et un seuil fixé à partir d’un écart pour la cotisation de taxe foncière supérieur à 10 % et à 200 euros.
Afin de rester neutre budgétairement pour l’État et pour les collectivités territoriales, le lissage des évolutions doit s’appliquer autant aux baisses qu’aux hausses de cotisations.
Toutefois, les récentes remarques des élus locaux, notamment de la ville de Paris, du Comité des finances locales et de l’AMGVF sur les transferts de fiscalité liés à la révision des locaux professionnels, sur les petits commerces du centre-ville en particulier, laissent penser que la réforme, si elle est définitivement adoptée, prendra peut-être plus de temps que prévu.
Source Article from http://www.lagazettedescommunes.com/335294/ce-quil-faut-savoir-sur-la-revision-des-valeurs-locatives/
Source : Gros plan – Google Actualités