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Manuel Valls et les juifs: les mots justes – L’Express

Un homme sous influence. Manipulé par sa femme. “Petit soldat israélien veule et docile”, dit même, en 2013, Dieudonné M’Bala M’Bala, poursuivi depuis pour injure. Jusqu’à présent, seuls les amis du polémiste controversé et les milieux proches de l’extrême droite liaient la fermeté de Manuel Valls à lutter contre l’antisémitisme au judaïsme de son épouse, Anne Gravoin. 

Le 16 février, l’amalgame prend une autre dimension, porté dans les médias par la voix chuintante d’un nonagénaire, ancien ministre de François Mitterrand et ancien président du Conseil constitutionnel. Ce matin-là, sur RMC et BFMTV, Roland Dumas répond à Jean-Jacques Bourdin, qui demande à son invité d’être clair : Valls, “sous influence juive ?” “Probablement ! lâche Dumas. Il est sous l’influence de sa femme, pourquoi ne pas le dire puisque c’est une réalité ?” 

Jamais Manuel Valls n’a dissimulé la religion de son épouse, au contraire. Le 10 janvier 2015, il reçoit à Matignon le président du Sénat. Gérard Larcher l’alerte sur les inquiétudes, très vives, de la communauté. Le Premier ministre répond : “Vous savez que ma femme est juive?” En juin 2011, dans un centre communautaire de Strasbourg, il rappelle déjà qu’il est lié, “par sa femme”, à la communauté juive et à Israël. D’ailleurs, le jour même de son mariage, en 2010, Manuel Valls prononce un petit discours, au cours duquel il salue le lien qui l’unit désormais à la communauté dont est issue la famille de sa femme… 

En mars 2012, pendant la campagne présidentielle, il intervient devant le 1er congrès des communautés juives de France, évoque à nouveau la famille de son épouse, “qui a fui la Moldavie” et ses pogroms. Ce jour-là, furieux d’un traitement qu’il juge inéquitable face à deux UMP, Claude Guéant et Jean-François Copé, il quitte la tribune. Joël Mergui, président du Consistoire central et organisateur des débats, se démène pour obtenir le numéro de portable de Valls afin de s’expliquer. 

Fils d’immigré, il défend la laïcité

“Réduire le combat de Manuel à l’influence d’Anne, c’est bien mal les connaître tous les deux”, souligne un proche du couple. “A la fac, il défendait déjà des types de l’Union des étudiants juifs de France, pris à partie par des skinheads du GUD. En 2002, quand il fait interdire le Franprix halal à Evry, il vit toujours avec sa première femme. La défense de la laïcité, des valeurs de la République, c’est dans ses gènes de fils d’immigré, une cohérence à la fois personnelle et politique.” Son expérience de maire d’Evry -il est élu en mars 2001- joue un rôle déterminant : “Très vite, témoigne un collaborateur de l’époque, il voit monter le communautarisme, l’antisémitisme des quartiers, le délitement, le repli sur soi ; très vite, il se coltine la réalité.” 

Manuel Valls avec François Hollande, pour l'hommage aux victimes de la porte de Vincennes à la Grande Synagogue de la Victoire, à Paris, le 11 janvier dernier.

Manuel Valls avec François Hollande, pour l’hommage aux victimes de la porte de Vincennes à la Grande Synagogue de la Victoire, à Paris, le 11 janvier dernier.

afp.com/Matthieu Alexandre

“J’ai toujours perçu en Manuel Valls un grand souci d’équilibre entre les communautés”, confirme Michel Serfaty, le rabbin de Ris-Orangis, fervent défenseur du rapprochement entre juifs et musulmans. Ainsi Manuel Valls, lorsqu’il était maire d’Evry, a-t-il soutenu le travail de l’association l’Amitié judéo-musulmane de France, animée par Serfaty. Invité mais absent au mariage de “Manu”, comme il l’appelle parfois lorsqu’il n’y prend pas garde, Michel Serfaty lui offre des oeuvres d’Emmanuel Levinas : “Michel! Tu ne comptes pas faire de moi un penseur juif !”, lui lance Valls pour le remercier. Une autre fois, il l’interroge, pince-sans-rire: “Michel, je suis seul dans la salle de bains un soir de shabbat ; est-ce que j’ai le droit d’appuyer sur l’interrupteur ?” 

“Peut-être que ce qui a changé, avec Anne, remarque Michel Serfaty, c’est qu’il est directement concerné par l’impact de la Shoah. Il voit les conséquences du silence, la difficulté de la parole, la persistance du traumatisme sur les familles, il mesure l’ampleur du combat à mener. En tout cas, à la fois à l’Intérieur et à Matignon, il dit des mots et prend des risques comme aucun avant lui. Imaginez, si le Conseil d’Etat lui avait donné tort contre Dieudonné!” Le rabbin a été particulièrement impressionné par le discours du Premier ministre le 13 janvier à l’Assemblée nationale: “J’espère qu’il restera dans les livres d’Histoire.” 

“Juifs de France, sans vous la France n’est plus la France!”

“Je ne veux plus qu’il y ait des juifs qui puissent avoir peur, je ne veux pas que les musulmans aient honte”, martèle ce jour-là le Premier ministre devant des élus qui l’applaudissent debout et galvanisés. “L’Histoire nous l’a montré, le réveil de l’antisémitisme, c’est le symptôme d’une crise de la démocratie.” 

“Un discours hors norme, s’enthousiasme, lui aussi, Haïm Korsia, le grand rabbin de France, un cri d’amour lancé à une France rêvée, idéale, qu’on ne peut atteindre que si on se lève pour aller vers elle.” Haïm Korsia pointe aussi l’allocution de Manuel Valls le 19 mars 2014, au Trocadéro, à l’occasion d’un rassemblement organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France, deux ans après les tueries de l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse: “L’antisémitisme se nourrit aussi de l’antisionisme, il se nourrit dans nos quartiers populaires des ambiguïtés sur l’Etat d’Israël […] Juifs de France, sans vous la France n’est plus la France!”, affirme alors le chef du gouvernement.  

“Manuel Valls a mis des mots sur le sentiment d’abandon qui était le nôtre depuis quelques années, et que personne ne comprenait”, souligne Korsia. Lequel, s’il apprécie les mots de Valls, aime aussi ses silences : “Le 11 janvier, on a marché un moment côte à côte, sans rien dire. Certaines choses s’expriment simplement par le partage.” 

Il a supplanté Nicolas Sarkozy dans le coeur des juifs de France

Pour d’autres, c’est le combat contre Dieudonné qui marque un tournant: “Manuel a été au bout de son engagement, alors qu’il avait contre lui une partie de la gauche, et ce, depuis longtemps. Au sein de son propre parti, on lui a beaucoup reproché d’avoir voté avec la droite pour l’interdiction du port de la burqa dans les lieux publics, en 2010, analyse un proche. En 2013, quand il décide de poursuivre Dieudonné, il en est convaincu: c’est le moment de marquer que la ligne est franchie, qu’il ne s’agit plus de liberté d’expression.  

Avec le recul, on se dit qu’il a eu raison très tôt, mais aussi qu’il a eu raison trop tard: la confusion permanente, l’amalgame, la concurrence victimaire, tout a prospéré et il est aujour d’hui extrêmement dif ficile de lutter contre.” “C’est une première étape: je ne lâcherai pas”, promet en tout cas Valls, par SMS, à l’un de ses interlocuteurs au moment où il entame les poursuites contre le polémiste. 

Le constat est unanime au sein des représentations officielles de la communauté: Manuel Valls a supplanté Nicolas Sarkozy dans le coeur des juifs de France. “Il a toujours été exemplaire, note Joël Mergui, le premier à porter de façon aussi claire le diagnostic d’islamisme radical. Sans lui, aujourd’hui, les départs pour Israël seraient probablement beaucoup plus nombreux.” Le 19 septembre 2014, Valls est longuement acclamé à l’issue de son discours pour la cérémonie des voeux de Roch Hachana, à la Grande Synagogue de la Victoire – c’est la première fois qu’un Premier ministre est invité.  

Le 10 janvier, il est aussi vivement applaudi lorsqu’il arrive devant l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, où se tient un rassemblement d’hommage aux victimes tuées la veille par Amedy Coulibaly. Un peu plus tôt, Christiane Taubira, ministre de la Justice, a essuyé des sifflets… 

Le 11 janvier, présent lors de la cérémonie organisée à la mémoire des victimes juives à la Grande Synagogue de la Victoire, le chef du gouvernement paraît ému aux larmes. “Son épouse a pleuré du début à la fin”, raconte un participant. Il y a quelques années, Manuel Valls a fait le voyage jusqu’à Auschwitz. “Alors?”, lui a demandé l’un de ses très bons amis, lui avouant: “Moi, je n’ai jamais eu le courage d’aller plus loin que Cracovie.” “Tu as eu raison”, lui a-t-il simplement répondu.  

 

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Source Article from http://www.lexpress.fr/actualite/politique/valls-et-les-juifs-les-mots-justes_1652237.html
Source : Gros plan – Google Actualités

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